Voyage au Congo

Le festival international de photojournalisme Visa pour l’image, à Perpignan, propose jusqu’à dimanche, au grand public, une bonne vingtaine d’expositions. Septième volet de cette série, le travail de Pascal Maitre, remontant le fleuve Congo, dans la brutalité des couleurs.

Jean-Claude Renard  • 11 septembre 2015
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Voyage au Congo
Photos : Pascal Maitre

Henry Morton Stanley, Joseph Conrad, André Gide, ou encore V. S. Naipaul… Le photographe ne peut s’empêcher de songer aux récits fabuleux que ces auteurs ont rapportés, confronté lui-même à la légende du fleuve. Des récits qui sans doute ont suscité plus d’une vocation d’explorateur. « Mais , ajoute Pascal Maitre, près de 140 ans après la traversée du continent africain d’est en ouest par Stanley, c’est surtout un voyage à travers l’Afrique contemporaine. A la lisière de la grande forêt équatoriale, 29 millions de personnes vivent aujourd’hui sur les rives de ce fleuve mythique et de ses affluents. »


Illustration - Voyage au Congo


Le fleuve Congo, c’est 4700 kilomètres de longueur , dont 1700 sont navigables, de Kinshasa à Kisangani. Ce réseau fluvial demeure la seule voie de communication dans la région du bassin. A l’instar du delta du Mékong, le fleuve Congo jouit ainsi d’un rôle social et économique essentiel. « C’est une artère vitale pour le pays. » Une artère folle, furieuse, grouillante, terriblement vivante, dangereuse aussi, crachant ses petites scènes ordinaires dans la moiteur. Tel est le voyage entrepris par Pascal Maitre, dont le reportage tranche avec les autres images que l’on peut voir à « Visa pour l’image ». Ni attentat, ni zone de conflit, ni corps dérouillé sous les obus. Mais tout de même un chaos, le théâtre de drames humains, le pêle-mêle des corps, d’une faune et d’une flore exubérantes.


Illustration - Voyage au Congo


« Pour la plupart des habitants de la région , poursuit le photographe, le seul moyen de se déplacer est d’entreprendre un long, très long voyage, de cinq semaines à sept mois, sur l’une des nombreuses barges qui naviguent sur le fleuve, transportant marchandises et passagers. » Des convois composés de barges et de pousseurs, certains de ces convois pouvant atteindre 450 mètres de long, au cours d’un voyage toujours périlleux (n’existant plus de bateaux pour passagers, des milliers de personnes voyagent illégalement, dans des conditions terribles), où se bousculent paysans, commerçants, itinérants, pêcheurs. On y vend un crocodile pour 20 euros, poulets, coqs et canards, charbon et grumes de bois, poisson séché et pirogues, sculptées à coups d’herminette (entre 50 et 1000 euros, selon la taille), on y croise des familles vivant dans des campements précaires, dans la luxuriance de la forêt.

Pascal Maitre aime le Congo (voilà deux ans, il exposait à Perpignan un reportage sur Kinshasa, dans les quartiers populaires de la capitale, avec sa foule bigarrée, musiciens, sculpteurs, féticheurs, catcheurs, danseurs et chanteurs, puisant leur inspiration dans la vie quotidienne et dans les traditions). Pascal Maitre aime aussi les plans longs et larges, les couleurs vives sous forme de panoramiques, parce que le long du fleuve Congo, la vie se déploie à l’horizontal, où se confrontent, curieusement, des impressions d’immobilité, de brouhaha, de bazar infernal, d’agitations folles et des temps suspendus dans l’écrasante majesté des lieux. Jusqu’à former un tableau époustouflant.

Visa pour l’image, Pascal Maitre « Fleuve Congo, reportage au cœur d’une légende », couvent des Minimes, jusqu’au 13 septembre (10h-20h). Entrée libre.


Illustration - Voyage au Congo

Temps de lecture : 3 minutes
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