Une palme d’or de droite

La soixante-dixième édition du festival de Cannes s’achève sur un palmarès déprimant.

Christophe Kantcheff  • 28 mai 2017
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Une palme d’or de droite
© Mustafa Yalcin

Pour couronner une compétition plus que terne, Pedro Almodóvar et son jury ont concocté un palmarès calamiteux, hormis le Grand Prix attribué à 120 Battements par minute, qui clôt la soixante-dixième édition du festival de Cannes, morne anniversaire.

Palme d’or

The Square, du suédois Ruben Östlund.

Un film qui, sous prétexte de s’en prendre à la bourgeoisie intellectuelle, jalouse de ses privilèges et faussement humaniste, développe un pamphlet inepte contre l’art contemporain, un propos machiste et un regard ambigu sur les pauvres. Le Figaro en avait fait sa palme d’or. Logique.

Prix du 70e anniversaire

Nicole Kidman.

N’aurait-il pas mieux valu honorer David Lynch, venu à Cannes présenter les deux premiers épisodes de la saison 3 de Twin Peaks, qu’il avait délaissé depuis 26 ans ? Ou bien Jean-Louis Trintignant, ce grand prince du cinéma ?

Grand Prix

120 Battements par minute, de Robin Campillo.

La seule récompense vraiment enthousiasmante pour ce film sur l’action d’Act Up-Paris au début des années 1990. Mais dans le palmarès, il devrait supplanter The Square. Donc être palmé d’or.

Prix d’interprétation féminine

Diane Krüger de In The Fade, de Fatih Akin.

Une mère terriblement aimante, qui adore son mari. Époux et fils meurent dans un attentat fomenté par des néonazis. Cris, pleurs, sanglots, larmes. La justice allemande relaxe les fachos. La mère terriblement aimante qui adore son mari, au fond du désespoir, va se venger. Un rôle démagogique pour un film qui ne l’est pas moins.

Prix d’interprétation masculine

Joaquin Phoenix pour You Were Never Really Here, de Lynne Ramsay.

Joaquin Phoenix est un grand comédien, qui a fortement grossi pour ce rôle. Dommage qu’il soit récompensé pour ce film lui aussi boursouflé.

Prix du jury

Nelyubov (Faute d’amour), d’Andreï Zviaguintsev.

Un film sans concession mais sans cynisme non plus. Son actrice, Maryana Spivak, aurait mérité le prix d’interprétation. Mais elle n’est pas une star, elle…

Prix de la mise en scène

Sofia Coppola pour Les Proies.

Pendant la guerre de Sécession, un soldat Yankee blessé (Colin Farrell) est recueilli par neuf femmes (Nicole Kidman, Kirsten Dunst…) dans une institution sudiste de jeunes filles. Le remake d’un film de Don Siegel avec Clint Eatswood, mais cette fois du point de vue féminin. Plutôt alléchant comme programme. Sofia Coppola réussit à dévitaliser cette situation et signe une œuvre décorative. Le prix de la mise en plis.

Prix du scénario

Ex-aequo : Mise à mort du cerf sacré, de Yorgos Lanthimos, et You Were Never Really Here, de Lynne Ramsay.

Mise à mort du cerf sacré lorgne vers Stanley Kubrick avec une prétention sans nom. Lui accorder le prix du scénario est presque une provocation involontaire.

You Were Never Really Here met en scène un justicier névrotique, traumatisé par les violences que faisait subir son père à sa mère. On pense à Tarantino pour l’hémoglobine, mais sans la vélocité, qui plus est doté d’un background psy assez lourd (même la blague sur Psychose d’Hitchcock est répétée deux fois…)

Et aussi :

Prix de la Caméra d’or

Jeune femme, de Léonor Serraille

Un film espiègle sur une jeune femme, branque et pleine de ressource, quittée par son compagnon et qui ne l’accepte pas, interprétée par une formidable Lætitia Dosch.

Merci à tous d’avoir suivi cette chronique quotidienne de Cannes. Rendez-vous pour des commentaires plus développés dans l’hebdo de jeudi.

Temps de lecture : 3 minutes
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