Maxime Laisney, un prof sur le front des législatives

Fin 2014, mon collège et les écoles qui l’alimentent sortaient du réseau d’éducation prioritaire. Ce fut l’occasion pour moi de rencontrer un instituteur militant durant la lutte pour le maintien de ce label. Âgé de 36 ans, Maxime Laisney est professeur des écoles depuis dix ans. Dimanche, il s’est qualifié pour le second tour des législatives dans la dixième circonscription de Seine-et-Marne. Entretien avec cet enseignant qui mène campagne tout en ayant en charge une classe de CE2 dans un quartier populaire de la ville de Chelles.

Jean-Riad Kechaou  • 13 juin 2017
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Maxime Laisney, un prof sur le front des législatives

Peux-tu présenter ton parcours de militant ?

J’ai été syndicaliste étudiant assez rapidement à l’université de Caen. En passant le concours de professeur des écoles, je m’étais promis de ne surtout pas m’intéresser à la politique car c’est addictif. Malheureusement, cela m’est tombé dessus lors de la campagne contre le traité constitutionnel européen en 2005. Je n’ai pas pu résister, l’enjeu était trop fort. Ce qui m’avait plu durant cette campagne est que l’on faisait appel à l’intelligence des gens, que l’on faisait lire le texte du traité constitutionnel. On comprenait l’entourloupe consistant à graver dans le marbre les politiques libérales. En 2005, j’ai donc mené cette lutte et découvert Jean-Luc Mélenchon qui fustigeait ce traité dans des meetings. J’ai décidé de militer avec lui et rejoint une association d’éducation populaire, Pour la république sociale.

J’ai ensuite participé à la fondation du parti de gauche fin 2008, je m’occupais de la logistique et du matériel pour l’organisation des événements dès le meeting de lancement à l’Île-Saint-Denis le 30 novembre 2008. J’ai été formé politiquement par François Delapierre.

Ta vie de professeur influence-t-elle ton engagement ? Apporte-t-elle une réflexion différente sur les problèmes de la société ?

Être instituteur, c’est un engagement ce n’est pas un métier que l’on choisit par hasard, la nation nous confie ses enfants. Il s’agit de former le citoyen, le futur travailleur et l’être humain dans sa globalité. J’ai travaillé pendant sept ans sur un poste spécialisé auprès d’enfants issus de la communauté des gens du voyage. L’enjeu était de les convaincre qu’une scolarité longue et régulière pouvait leur apporter des bénéfices. Il fallait faire en sorte qu’ils soient aussi accueillis convenablement dans les écoles. C’était le cas à Chelles.

J’ai ensuite voulu reprendre une classe, enseigner face à un groupe divers. J’ai choisi l’école du quartier de la Grande Prairie car on y retrouve le monde entier, la France entière telle qu’elle est dans toute sa diversité. C’est ce qui me manquait en ne travaillant que face à un seul public. Je pense que c’est comme cela que l’on travaille sur la tolérance, le vivre ensemble, c’est en mélangeant les gens et dans mon métier les enfants. On se rend compte que l’on n’est pas si différent que ça.

Nos différences sont une richesse plus qu’un motif de dispute. On est tous égaux, la question de l’égalité me tient à cœur en tant qu’enseignant et en tant que militant politique. J’ai une classe de CE2, ils ont huit-neuf ans. C’est très bien car ils sont curieux, partants pour tout. Ils ont une soif d’apprendre qu’il suffit d’alimenter.

Comment concilies-tu cette campagne électorale avec ta vie professionnelle depuis que tu es candidat ?

C’est compliqué car j’y suis depuis juin de l’année dernière avec le début de la campagne présidentielle de Mélenchon. J’ai voyagé et participé à l’organisation de différents événements. C’était donc déjà difficile de concilier mon travail et mon engagement mais j’y suis parvenu.

Évidemment pour cette campagne législative, j’ai dû prendre quelques journées, sans être payé bien sûr. J’en ai pris cinq avant le premier tour et j’en reprends donc cinq maintenant que je suis qualifié pour le second tour. Je ne voulais pas laisser mes élèves sans remplaçants, les savoir répartis dans les classes des collègues comme ça arrive trop souvent. Cela m’a freiné.

J’ai été remplacé deux jours la semaine dernière, je ne sais pas cette semaine. C’est quand même triste que des élèves pâtissent du fait qu’un enseignant souhaite participer à la vie démocratique du pays.

Comment ont réagi les parents d’élèves, tes élèves et tes collègues en apprenant ta candidature ?

J’ai croisé quelques parents d’élèves quand j’ai tracté dans le quartier où j’enseigne. J’ai plutôt des sourires, parfois même des encouragements. Si je ne suis pas remplacé cette semaine, ça pourrait être différent malheureusement. Les collègues me soutiennent à fond. Je leur ai demandé l’autorisation de pouvoir prendre mes journées dans le cas où on n’envoyait pas de remplaçants. Je ne suis jamais absent d’habitude et là c’est pour une bonne cause donc il n’y a pas eu de soucis.

Mes élèves sont assez fiers de voir leur maître sur les affiches des panneaux officiels. La première chose qu’ils m’ont demandé est si j’allais passer à la télévision. Evidemment j’ai un devoir de réserve avec eux donc je ne parle pas du programme mais je leur ai parlé du rôle des députés à l’assemblée nationale.

Est-ce que tu considères que le programme de Macron est dangereux pour l’école ?

Oui, il est dangereux pour l’école ! Cette idée séduisante d’avoir douze élèves par classes dans les réseaux d’éducation prioritaire (REP) ne correspond pas aux revendications des collègues dans ces écoles car il y a déjà un dispositif qui est en train de se déployer et qui fait ses preuves, « plus de maîtres que de classes ». Si on leur demande leurs avis c’est plutôt cela qu’ils veulent.

De plus, mettre en place cette réforme sans aucun recrutement – le but de Macron étant de réduire le nombre de fonctionnaires de 120 000 – va mécaniquement augmenter les effectifs des écoles non situées en REP.

Certaines auraient pourtant besoin d’avoir de plus petits effectifs, c’est le cas de l’école où j’enseigne (école située dans un quartier classé en zone urbaine sensible). C’est aussi le cas dans les écoles qui ont perdu leur statut de REP en 2014 comme celle des Coudreaux que tu connais bien. De nombreux établissements ne pourront donc pas bénéficier de ce dispositif.

Cette réforme pose aussi un problème d’un point de vue pratique. Faire des classes de douze élèves… Comment vont faire les mairies ? Monter des cloisons dans les classes existantes pour les couper en deux ? Les enseignants vont se retrouver à enseigner dans des cagibis. Va-t-on mettre des préfabriqués dans les cours d’école ? Pas sûr que tout cela ait été pensé !

D’une manière plus générale, Emmanuel Macron a nommé comme ministre de l’Éducation Jean-Michel Blanquer, un personnage proche de la droite. C’est l’ancien directeur d’une grande école privée d’économie. Il confond école et entreprises. La fameuse autonomisation des établissements, c’est ce que l’on fait déjà dans l’enseignement supérieur et l’on constate que c’est une catastrophe.

Pour les lycées, le projet de Macron, c’est de mettre en concurrence les lycées. Il n’y aura plus de référence nationale ni pour les horaires ni pour les contenus enseignés. Leur idée est que chaque lycée propose son bac sur mesure. Les chefs d’établissement pourront recruter sur profil les enseignants comme dans une entreprise. C’est la fin du caractère national du diplôme du baccalauréat qui est pourtant un premier niveau de qualification reconnu dans l’entreprise.

Ton adversaire du second tour est la référente départementale en Seine-et-Marne de La République en marche Stéphanie Do, tu la connais ?

J’aurai bien aimé la connaître mais non ! Je l’ai croisée hier à la gare de Chelles où nos deux équipes distribuaient des tracts. J’ai juste eu le temps de la saluer et lorsque j’ai voulu lui proposer un débat public face aux électrices et électeurs un membre de son équipe est venu s’interposer en m’empêchant de continuer la conversation. **Il semble que le débat ne soit pas possible. Je ne sais pas ce qu’elle pense.** Elle soutient Emmanuel Macron, c’est certain. Elle est prête à lui donner les pleins pouvoirs en votant les ordonnances qui permettront de casser le code du travail. C’est tout ce que je sais d’elle…

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