Chronique définitivement confinée en l’honneur du framboisier et de mon chat

Claude-Marie Vadrot  • 24 mai 2020
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Il y aura bientôt une cinquantaine d’année que j’ai commencé à bêcher mon jardin des environs de Gien, dans la Loiret, je ne savais pas grand-chose de la terre, ayant oublié ce que j’avais vu et essayé dans la ferme morvandelle de mes grands parents. J’ai vite compris que je me créais une addiction qui dure encore et qui m’a servi d’antidote à chaque retour de couverture journalistique d’un conflit armé lointain, de la guerre du Bangladesh aux Balkans en passant par la Tchétchénie ou le Rwanda. Le jardin potager et fruitier, c’est une ascèse, un remède, un plaisir et une façon de se nourrir. Alors que les cerises sont mures il est temps de se déconfiner définitivement et de revenir aux sujets futiles comme le climat, la pollution, le chômage et ma détestation viscérale de Macron qui ne sait pas ce qu’est le plaisir au jardin et qu’il y a dans le monde plus d’un milliard de jardiniers.

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Demain lundi elles seront mures et parfumées

Pour se quitter sur une note douce, sucrée et parfumée, il faut raconter les framboisiers dont les hampes fièrement dressées prés d’un de mes murs qui lui offre juste ce qu’il faut d’ombre. Depuis ce dimanche matin sont apparus les premiers fruits qui seront murs demain ou après-demain quand ils seront passés du rouge pâle au rouge violacé. Le moment où la framboise se détache sans le moindre effort. Pour une série de bouchées qui sont autant d’émerveillements. Rien à voir avec les fruits fadasses, mous et gonflés par l’irrigation, proposés à prix d’or dans le commerce et notamment dans les grandes surfaces qui ne reculent devant aucune escroquerie, fut-elle gastronomique. Si vous pouvez attendre la fin du mois d’aout pour déguster la production d’un autre fruit de rosacée comme la framboise, vous trouverez des mûres sauvages dans les haies, les sous-bois abandonnés et parfois un petit coin négligé d’un jardin. Douces, sucrées, légèrement acides et laissant des traces noires sur les lèvres ou sur les mains, un marquage enfantin dont des millions d’adultes en gardent le souvenir, ces mures sont un autre régal. A condition bien sur que le massif de ronces ne situe pas le long d’un champ traité par un agriculteur adepte des pesticides, même si à la fin de l’été les épandages sont plus rares.

Cette framboise dont le seul nom suffit à déclencher des souvenirs olfactifs entêtants n’a pas été dérobée à un pays ou à un continent lointain par des voyageurs ou des conquérants. Il y a toujours eu des framboisiers sauvages dans les bois et les friches en France et en Europe. Jusqu’en Laponie ou en Sibérie. Simplement, au début du Moyen-âge, les paysans ont commencé à les cultiver et à les planter prés de leurs fermes.

Dans un jardin, un framboisier donne des fruits au bout d’un ou deux ans après sa plantation et sa production dure une dizaine d’années. Mais, souvent, cette espèce est parfois envahissante parce que ces racines souterraines produisent chaque année des « drageons » (nouveau pied spontané), le framboisier se reproduit tout seul. Sinon, il suffit de mettre la tige et les racines dans un trou et d’arroser pendant quelques jours. Ce petit arbuste fait rarement le difficile. Pour le planter ou le multiplier, le jardinier peut choisir entre les nombreuses variétés donnant des fruits rouges ou celles plus rares qui offrent des framboises jaunes comme la sucrée de Metz, la Golden Everest ou la falygold. Toutes aussi gouteuses et parfumées.

Le plaisir gustatif du jardinier peut facilement se compléter d’autres petits fruits en les mélangeant en cuisine la framboise, avec des groseilles (roses ou rouges), la groseille à maquereau plus grosse et également rose ou rouge, le cassis noir et acide, ou une relativement nouvelle venue dans les jardins, la casseille qui est compromis hybride entre la groseille rose ou rouge et la groseille à maquereau dont elle a perdu les épines redoutable. C’est facile car tous murissent à la même période. De plus il est possible de les « mettre en réserve» par une congélation qui ne les abimera pas.

Donc tous ces arbustes à fruits prennent facilement place dans un petit jardin. D’autant plus qu’il est facile de les multiplier par des boutures. Il suffit de couper, en automne, sur une trentaine d’une branche de l’un d’eux, de l’enfoncer dans un pot en terre d’une vingtaine de centimètres de diamètre dans un mélange de sable et de terre. Ainsi, sur mes douze boutures effectuées en octobre dernier, neuf on donné des feuilles ce printemps, preuve que des racines s’étaient développées. Plantés dans le jardin à la mi-ombre et régulièrement arrosés, j’ai donc neuf nouveaux pieds qui donnerons quelques fruits au printemps prochain et formeront des touffes très productives au bout de deux ans.

Voilà, c’est fini, rendez vous au prochain confinement…

Voici Euclide l’être étrange qui veille en permanence sur mon jardin….

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