Trois candidats et un programme

Le rêve d’unité de la gauche antilibérale n’est plus qu’un souvenir. Faute de la dynamique commune espérée, la campagne présidentielle risque d’être fratricide.

Michel Soudais  • 8 février 2007 abonné·es

Rien ne semblait devoir séparer « les trois B ». Ce surnom lui-même, née dans les meetings de la campagne du « non », où leur entente paraissait inaltérable, était une promesse d’avenir. Le gage d’un rêve : réunir enfin les différentes formations et sensibilités de la gauche qui ne veut pas seulement aménager le libéralisme. Et permettre à cette autre gauche, que l’on dit « radicale » depuis qu’elle prône des réformes de fond plutôt que la révolution, de rivaliser à nouveau dans les urnes avec le PS. Olivier Besancenot, Marie-George Buffet et José Bové seront bien candidats. Mais en ordre dispersé. Sur le terrain électoral, les lendemains déchantent aussi. L’aspiration au « tous ensemble » a cédé le terrain au chacun pour soi, sans que les enjeux soient bien définis.

Illustration - Trois candidats et un programme


Montpellier : «Les trois B» et Jean-Luc Mélenchon participent au Parc des expositions, le 20 mai 2005, à un meeting pour le « Non » au référendum du 29 mai 2005 sur la Constitution européenne.
AFP/Patrick Valasseris

Car ces trois-là défendent grosso modo le même programme. Olivier Besancenot, le premier à avoir refusé la logique unitaire, avance des propositions qui, en dépit d’une formulation maison, diffèrent peu des 125 propositions issues des discussions des collectifs. Lors de leur adoption, en octobre, un des dirigeants de la LCR convenait d’ailleurs que ces propositions marquaient « une rupture avec le libéralisme » . Marie-George Buffet s’en réclame sans détour, même si certaines concessions faites par les communistes quand il fallait chercher un consensus n’ont plus lieu d’être. C’est le cas sur le nucléaire : la député du Blanc-Mesnil se prononce « pour un nucléaire sécurisé et durable » , « l’EPR et les générateurs de la quatrième génération ainsi qu’Iter » . Tout en maintenant l’idée d’organiser « un grand référendum » sur les choix énergétiques du pays, elle soutient « la construction de l’EPR à Flamanville » . Dernier à déclarer sa candidature, José Bové s’est référé explicitement, in extremis , aux 125 propositions des collectifs. Il devrait confier à Yves Salesse, qui en a été le principal maître d’oeuvre, le soin de les affiner au cours de la campagne.

Faute de se distinguer par son programme, chacun mise sur son style. Olivier Besancenot fait du Besancenot, en rejouant la campagne 2002. Marie-George Buffet se pose en rassembleuse contrariée. Son conseil de campagne d’une centaine de membres, qu’elle aurait voulu ouvert à toutes les sensibilités de la gauche antilibérale, peine à rassembler au-delà du cercle habituel des communistes et de leurs compagnons de route. Ce n’est pas le cas de José Bové. Lors de sa déclaration de candidature, le 1er février, à Saint-Denis, le syndicaliste altermondialiste s’affichait en porte-parole d’un rassemblement moins monocolore. À ses côtés figuraient des communistes, des Verts, des trotskistes, des Alternatifs, des libertaires, des militants associatifs…

À Montreuil, le 21 janvier, sa candidature avait été approuvée sous condition : il s’agissait de forcer la LCR et le PCF à retirer leur candidature en montrant qu’une dynamique populaire ne peut naître que d’un rassemblement de ce type. Et non derrière un parti. Aucune preuve ne pouvant en être apportée avant le 22 avril, sauf à ce que la LCR et le PCF acceptent l’arbitrage des sondages, José Bové et ses amis sont condamnés à aller jusqu’au bout. Pour cela, il leur faut se coltiner aux réalités de la politique, quêter les parrainages d’élus et lever des fonds pour faire campagne.

Oublié l’espoir d’un score à deux chiffres ! Annulé l’objectif de battre le social-libéralisme dans la gauche ! L’enjeu, le seul qui reste et qu’aucun n’évoque, est de savoir qui s’imposera auprès des électeurs comme la force principale parmi les antilibéraux. Désormais concurrents, la logique du jeu électoral fera vite des « trois B » des rivaux. Cette course au leadership risque d’être fratricide.

Politique
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