Encombrants soutiens

Michel Soudais  • 22 mars 2007 abonné·es

Dis-moi qui te soutient, je te dirai qui tu es. À l’heure où les grands candidats s’échinent ànous prouver qu’ils ne sont pas ceux que nous croyons qu’ils sont, ce petit jeu n’est pas seulement plaisant. Il est aussi révélateur. Passons vite sur Nicolas Sarkozy. « J’ai changé » , dit-il. Au point d’ailleurs d’éviter de parler du bilan des gouvernements Raffarin et Villepin, dont il était encore mardi l’une des pièces maîtresses. Ce dédoublement de personnalité est à son comble quand le ministre-candidat promet la « suspension » d’un décret de Gilles de Robien sur les décharges horaires dans l’Éducation nationale, qui met les enseignants dans la rue. Cet homme nouveau le sera bientôt moins : àl’heure même où Jacques Chirac se prononcera en sa faveur, chacun saura que le candidat de la rupture est aussi celui de la continuité et que sa France d’après ressemble assez à celle de maintenant.

Plus intéressant est le cas de François Bayrou, « un homme neuf, formé par Jean Lecanuet, qui a pour modèle Alain Poher et a servi Giscard » , selon le bon mot de François Hollande. Son ambition : former un gouvernement avec les meilleurs de droite et de gauche. C’est bien parti !

Après le ralliement de l’avocate écolo Corinne Lepage, le président de l’UDF a reçu le soutien de candidats en échec devant l’obstacle des 500 signatures. Édouard Fillias, candidat d’Alternative libérale, tout d’abord. Mari de la présidente de « Liberté chérie », l’association antigrève, son programme prévoit la suppression du monopole de la Sécurité sociale, la privatisation de la RATP, de la SNCF, de La Poste, des écoles… Nicolas Miguet, ensuite. Le président du Rassemblement des contribuables français, mis en examen pour tentative de fraude aux parrainages, appelle à « voter pour le seul candidat qui ait un vrai boulot » , notant qu’il avait rejoint pour partie ses « propositions en ce qui concerne l’urgence absolue de redresser les comptes publics et de réformer la fiscalité » .

On doute que François Bayrou s’affiche avec ces nouveaux partisans. Et ce n’est pas le probable soutien de Nicolas Dupont-Aignan, annoncé pour le 31 mars, qui l’éloignera de la droite. Celui d’Antoine Waechter, à l’étude, serait plus conforme. L’ancien dirigeant des Verts a toujours défendu une ligne « ni droite, ni gauche ». « Ce que nous voulons, c’est trouver le moyen de faire éclater le carcan politique que nous avons en France avec les deux partis de l’alternance qui se partagent le pouvoir , explique-t-il. Peut-être que Bayrou peut être l’instrument de cela. »

Dernière candidate à s’affranchir, Ségolène Royal a annoncé jeudi 15 mars, sur France 2, qu’elle reprenait « toute [sa] liberté » pour « aborder la dernière ligne droite » de la campagne. Précisant même : « Ce soir, je dis aux Français qui m’écoutent, votre vote, je ne l’instrumentaliserai pas. Si vous m’apportez votre voix, je ne dirai pas que c’est le parti socialiste qui a gagné l’élection présidentielle. » Cette répudiation en direct, à la télévision, a fait tousser dans les fédérations du PS, qui l’a désignée et fait campagne pour elle. Dimanche, la candidate a paru revenir sur ses propos, devant 4 000 élus : « Je sais ce que je vous dois, leur a-t-elle confié *. Je sais ce que je dois à mon parti, je sais ce que je dois aux militants. »* Mais cette reconnaissance de dette, sans que jamais ne soit prononcé le mot « socialiste » dans son discours, faisait davantage songer à un ultime merci. Pour solde de tout compte.

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