Dissensions au PCF

Après son piteux résultat, Marie-George Buffet est ouvertement critiquée par les orthodoxes, tandis que les « communistes unitaires » déplorent la division des forces antilibérales.

Olivier Doubre  • 26 avril 2007 abonné·es

La catastrophe annoncée n’a pas été évitée. Avec 1,93 %, Marie-George Buffet abaisse un peu plus le score plancher du PCF. Cinq ans après les 3,37 % de Robert Hue, qui, selon elle, avait failli contraindre le parti communiste à mettre la clef sous la porte. Cette fois, le coût financier de ce nouveau revers aurait été anticipé. Il n’est pas certain en revanche que la facture politique l’ait été. Les « huistes », les orthodoxes et les refondateurs n’ont pas attendu vingt-quatre heures pour ouvrir les hostilités et critiquer la direction de leur parti.

À l’annonce des résultats, dimanche, dans le hall de l’immeuble d’Oscar Niemeyer, place du Colonel-Fabien, quelques jeunes des JC, rageurs, ont bien entonné « l’Internationale ». Mais le «choeur» n’y était plus. « C’est pathétique ! » , laissent échapper à demi-voix plusieurs cadres qui les observent. Il y a en effet comme un air de « lutte finale » ce soir-là à « Fabien ». Après quelques minutes, plusieurs jeunes sont en larmes, qui chuchotent : « On est mal ! »

Aucun buffet, aucune boisson proposée… La soirée aura à peine duré une heure. À 20 h 15, la candidate sort de l’ascenseur, rejoint son pupitre et entame, émue, son discours. Elle ne commentera d’ailleurs que très peu son propre score, qualifié rapidement de « très loin de nos espérances, même si nous avons mené un beau combat » . Admettant que le vote utile « a fonctionné à plein » , elle préfère désormais appeler à battre Sarkozy, « le candidat de la droite et de l’extrême droite » , en votant Ségolène Royal, même si elle est « lucide quant aux insuffisances et aux ambiguïtés du programme de la candidate socialiste » . La petite centaine de militants présents l’applaudissent et entonnent un « ce n’est qu’un début, continuons le combat » , qui s’essouffle assez vite. Marie-George Buffet et son entourage rejoignent les ascenseurs et disparaissent. Henri Maler dénonce alors devant quelques journalistes « la dérive institutionnelle qui a marqué cette campagne, réduite à un face-à-face entre deux candidats » … Avant de conclure : « Ce n’est pas démocratique. »

Mais, déjà, beaucoup de participants quittent le siège du PCF. Il est à peine 20 h 30. Une dame d’un certain âge, travaillant visiblement dans l’immeuble, salue ses collègues de bureau : « Ça va aller. Il faut que ça aille ! Allez, à demain ! » Sur le parvis, Francis Wurtz se prépare à partir. « La personnalité dangereuse du candidat de droite et le piège institutionnel de l’élection présidentielle , nous explique-t-il, ont manifestement agi sur les électeurs de gauche et, en particulier, les électeurs du PCF. Non que les gens n’en aient pas été conscients, mais demeurait vive la hantise du 21 avril 2002. » Pourtant, ajoute-t-il, « ce résultat ne traduit pas l’influence du PCF. De même, personne ne peut vraiment imaginer que les écologistes en France ne constituent que 1,5 % des électeurs. De même pour ceux de José Bové. Et cela se verra vite ! Il faut donc continuer de se mobiliser. » Le député européen s’éloigne alors. Il reste peu de monde dans l’enceinte du siège de la place du Colonel-Fabien. La soirée s’achève. Il est 20 h 40.

En recul partout, la candidate de la « gauche populaire et antilibérale » n’obtient, dans les deux départements que dirige le PCF, la Seine-Saint-Denis et le Val-de-Marne, que 3,54 % et 3,05 %, derrière Olivier Besancenot. Dans 29 des 79 plus grosses villes communistes, Marie-George Buffet est doublée par le candidat de la LCR. Avec des scores sans rapport avec ses responsabilités locales : 6,28 % à Bobigny, détenue par le PCF depuis le congrès de Tours, 6,99 % à Champigny-sur-Marne, l’ex-fief de Georges Marchais, etc. Dans sa commune, Le Blanc-Mesnil, la secrétaire nationale du PCF rassemble tout juste 7,68 % des voix.

Avant la tenue, mardi, d’un conseil national qui promettait d’être houleux, son prédécesseur à la tête du parti a ouvert le feu : « Le vote utile ne peut pas être la seule explication » , souligne Robert Hue, qui tient sa revanche. Le sénateur communiste, qui a déjà prôné un rapprochement avec le PS dans la perspective des législatives, veut tirer le bilan des choix de la direction, qui n’ont « pas été les bons » , comme celui de vouloir à « tout prix » présenter une candidature unique antilibérale. Plus violent, le député-maire de Vénissieux, André Gérin, réclame un « congrès extraordinaire » . Pour ce chef de file d’une tendance orthodoxe, l’équipe dirigeante « a largué l’identité du PCF » . « Discréditée » , elle « a failli à tous ses devoirs » et « devient illégitime » .

À l’opposé, les « communistes unitaires » (ex-refondateurs) imputent l’échec électoral à la division des forces antilibérales et préconisent la constitution « de groupes de députés antilibéraux » aux législatives.

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