Une ferme très ouverte

Au milieu des pavillons de Villepinte, la Ferme Godier, se consacre aux pièces contemporaines.

Gilles Costaz  • 17 avril 2008 abonné·es

Il ne faut pas confondre Pierre Vincent et Jean-Pierre Vincent. Le second est un grand manitou qui a dirigé les théâtres les mieux dotés. Le premier est un chef de troupe plus modeste, qu’on peut repérer dans la banlieue parisienne, à Villepinte, en Seine-Saint-Denis. Il a déjà monté des spectacles fort intéressants à Paris, des Beckett, Minyana, Cormann, etc., mais il a choisi de conduire sa compagnie, joliment intitulée Issue de secours, là où le public ne va guère au théâtre. Il sort du Théâtre-École de Montreuil, comme Christian Schiaretti ou Julie Brochen, et a eu quelque temps une carrière d’acteur. Mais, dès ses débuts, il a pratiqué le théâtre en appartement. « On s’empare des espaces là où se trouvent les gens, donc dans leur intérieur » , déclare-t-il. Et, à partir de là, il élargit le champ, fait venir le public dans des ateliers et dans une salle de théâtre.

Quand il est arrivé dans la commune de Villepinte, Pierre Vincent a obtenu de la mairie une ferme qui se dressait parmi les pavillons, la ferme Godier, où beaucoup de choses étaient possibles : des répétitions, des spectacles de théâtre et de danse, l’ouverture d’un atelier ­qui n’eut qu’un seul visiteur le premier jour, mais en a bien plus aujourd’hui.

L’équipe a multiplié ses activités dans les lycées, les centres sociaux, auprès des prisonniers. Et toujours avec des pièces contemporaines, inédites ou récentes, comme cette comédie très utilement provocatrice de Jean-Claude Grumberg, À qui perd gagne, où la lauréate d’un concours télévisé demande comme récompense: « Je voudrais savoir lire », à des animateurs affolés.

La dernière opération, Trois Pièces cuisine, associait un texte de Carole Fréchette, Serial Killer, et deux pièces de Dominick Parenteau-Lebeuf ; deux auteures québécoises qui ne s’étaient jamais rencontrées et ont fait connaissance à Villepinte ! Sur le thème de la peur de l’engagement amoureux, des choses ont été dites qui ont beaucoup touché les habitants. Pierre Vincent cherche un théâtre pour reprendre cette courte trilogie devant un public plus vaste.

Dans l’immédiat, la ferme Godier organise des rencontres avec des auteurs comme Luc Tartar ou Marc Dugowson, souvent en collaboration avec Aneth (l’association Aux nouvelles écritures théâtrales), et fait des lectures tous les mois. Les comités de lecture comportent des acteurs de la compagnie, des professeurs, des bibliothécaires, des comédiens de troupes amateurs. Et l’écriture d’aujourd’hui, souvent bizarre si on la regarde d’un oeil classique, ne déplaît pas !

« On avance à petits pas, dit Pierre Vincent. Cette démarche est possible, mais elle ne l’est que si elle est soutenue par l’institution. » Repartie au Québéc, Carole Fréchette a pris le temps de saluer, dans une lettre, « la vraie vie artistique » de la ferme Godier et son « authentique ouverture au monde qui l’entoure » . On ne saurait en dire autant de tous les théâtres qui ont pignon sur rue à Paris !

Culture
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