Des élus muselés

La limitation du droit d’amendement marque le retour au régime des partis.

Michel Soudais  • 22 janvier 2009 abonné·es

L’Assemblée est ces jours-ci le théâtre d’un dialogue de sourds. La gauche dénonce un « coup de force » contre les droits du Parlement. La droite réplique en fustigeant « l’obstruction » de l’opposition. En cause, un « projet de loi organique relatif à l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution » . Pas vraiment le genre de texte qui passionne les foules. Derrière ce nom de code, se cache pourtant la plus importante réforme du travail législatif depuis l’instauration de la Ve République. Une modification rendue obligatoire par la révision constitutionnelle de juillet, qui était censée conférer davantage de pouvoirs au Parlement.
Certaines dispositions nouvelles de la Constitution devant en effet être précisées par la loi, le gouvernement veut en profiter pour « rationaliser » les débats : en contrepartie de la limitation du recours à l’article 49-3, qui permet l’adoption d’un texte sans vote et constituait son arme décisive, sa loi instaure une durée maximale des débats. L’article 13 du projet prévoit ainsi que, dans certaines conditions, les amendements des députés ou sénateurs pourront être mis aux voix sans discussion.
Vent debout contre cette limitation des débats, la gauche accuse le gouvernement de vouloir « bâillonner » l’opposition et entend s’y opposer à toute force. Tout particulièrement les socialistes, pour qui cette cause est « la mère des batailles » . « Nous ne lâcherons rien » , a prévenu Jean-Jacques Urvoas, leur porte-parole dans ce débat : « Il y a un point de clivage sur lequel il n’y pas grand-chose à négocier, c’est le temps global » concernant le droit d’amendement. D’où la multiplication des procédures de retardement, et notamment le dépôt de 3 750 amendements, certains volontairement ubuesques (rendre obligatoire le port de la muselière pour les députés).
Mais la réforme porte une autre menace soulevée par des francs-tireurs de la majorité qui redoutent d’être caporalisés. Daniel Garrigue vient de claquer la porte de l’UMP. Inquiet de la « remise en cause de l’instrument fondamental de l’exercice du mandat parlementaire » , il juge « dangereux » de « placer les élus totalement sous la coupe des groupes politiques qui décideront du temps de parole » . Si la loi passe, un député qui voudrait défendre un amendement à une loi qui n’est pas examinée dans la commission où il siège ne pourra le faire qu’avec l’accord de son groupe.
Insidieusement, la rationalisation du travail parlementaire porte aussi un retour au régime des partis.

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