Sommes-nous si con(ne)s ?

Sébastien Fontenelle  • 20 mai 2010 abonné·es

Je commence par la mauvaise nouvelle : nous sommes, disons, sot(te)s. Si, si : sot(te)s.
Sans quoi, au moment précis où j’écris ces lignes, nous serions, toi et moi, dans la rue, avec 30 millions d’amis(e)s également déterminé(e)s à ne plus en bouger avant d’avoir obtenu : un, la démission du gouvernement qui depuis trois plombées années nous fait une guerre sociale d’une brutalité jamais vue depuis le mois de mai 1945 ; deux, le prompt châtiment des « socialistes » qui, dès que la droite fomente une « réforme » scélérate, nous font écouter leur différence en protestant qu’ils seraient plutôt partisans, de leur côté, d’une « réforme » scélérate ; trois, l’éloignement vers l’archipel des Kerguelen, pour une durée incompressible d’un quart de siècle au moins, des Heckle & Jeckle du syndicalisme guimauveux, Bernard Chérèque et François Thibault [^2] ; et quatre, pour finir, une substantielle hausse de l’émolument que me verse aux fins de mois l’hebdomadaire Politis  [^3].
Or, j’ai beau chercher : nous ne sommes pas du tout dans la rue. Nous sommes donc bel et bien sot(te)s – mais pas au point, tout de même (et c’est, tu l’auras compris, la bonne nouvelle), de supplier le gars qui s’apprêterait à nous balancer un grand coup de pied dans les parties basses de nous en mettre plutôt deux, et en prenant un peu d’élan, s’il vous plaît, c’est pour emporter.

Cela, le régime l’a bien compris : il nous sait sot(te)s, mais dans certaines limites.
C’est pour ça qu’en même temps qu’il nous annonce que sa « réforme des retraites » passera décidément par ce que le quotidien barbichu Libération appelle une « augmentation de la durée d’activité des salariés [^4]»  , il précise que, bien sûr, il va aussi taxer les riches – ceux-là mêmes qu’il vient de gaver à nos frais pendant trois ans.
Histoire, t’auras saisi, de ne pas nous donner l’impression de nous balancer, pour le prix d’un, deux vicelards coups de pompes dans l’appareil reproductif.
Ce régime est donc soucieux de ménager, en même temps qu’il mise sur notre sot laisser-faire, notre susceptibilité – mais si tu regardes bien, voilà comment il a goupillé le truc : d’abord il a filé [^5] du gros pognon à d’opulent(e)s possédant(e)s (OP). Ceci fait, il nous demande de noter dans nos agendas que l’âge légal de départ à la retraite des OS sera repoussé à 114 ans [^6]. Puis enfin il nous promet que par souci d’équité il va reprendre aux OP un (tout petit) peu du blé dont il les a nanti(e)s depuis 2007.
Si vraiment nous laissons faire ça : c’est que nous sommes très, très, très con(ne)s.

[^2]: Ou l’inverse.

[^3]: D’aucun(e)s diront que ce dernier point pourrait faire l’objet d’une négociation séparée : bravo, bel esprit de solidarité.

[^4]: Ou par un « allongement de la durée de cotisation », dont même un enfant de trois jours et demi peut assez vite comprendre, si on le lui explique avec des mots simples, qu’il équivaut précisément à une augmentation de la durée d’activité.

[^5]: Suivant le bien connu principe que l’argent va à l’argent, surtout quand c’est Sarkozy qui le répartit.

[^6]: Dans un premier temps, mais rien ne dit qu’il ne faudra pas faire une nouvelle « réforme » d’ici quelques mois.

Publié dans
De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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