Le journal de campagne de Super Rebelle

Christophe Alévêque  • 20 octobre 2011 abonné·es

L’aventure a donc commencé le 6 mai 2011 devant le Fouquet’s à Paris. Super Rebelle a fait sa déclaration d’amour aux Français : j’ai choisi, la volonté chevillée au corps, d’être candidat libre à la prochaine présidentielle. Un seul mot d’ordre : redonner du sérieux à la politique. Quant aux revendications, elles sont claires et se résument en un seul slogan : nos rêves ne tiennent pas dans vos urnes.

Trois constats m’ont dicté ce solennel choix, primordial pour l’avenir de la nation.

La politique est devenue un spectacle ; le premier dégât collatéral du show, Jeanne d’Arc, alias Ségolène du Poitou, prise à son propre piège : l’image. C’est la même qu’en 2007, en progrès, même, elle a juste ajouté « social » à son « ordre juste ». Mais les spectateurs n’en veulent plus. Elle ne fait plus d’entrées, et pourtant le spectacle continue. Espérons que l’autre finaliste de 2007 subira également l’effet boomerang.

Deuxième constat : la dernière élection présidentielle, vaste magma de mélange idéologique et de salade de clivages, fut une énorme pitrerie : plus jamais ça. Ou alors, j’y participe, c’est mon job. La politique n’est plus une vocation mais un métier, le professionnel a gagné. Hommes et femmes politiques croient plus en eux qu’en nous. Ça tombe bien, moi non plus.
Troisième constat : le dépit, le rejet et l’indifférence généralisés face au milieu dirigeant et aux experts du pouvoir sont les trois mamelles d’un danger imminent pour la démocratie. Y’en a des biens, comme dirait l’autre, à nous de les pousser au cul pour éviter de les avoir dans le dos. À moi de les singer pour qu’ils se regardent dans le miroir. En toute modestie évidemment.

C’est vrai, la primaire socialiste a été de bonne tenue, sinon un succès, disons un signe encourageant pour garder les pieds sur terre et une main sur le bulletin.

Première erreur de campagne :

Emporté par mon élan et à l’insu de mon plein gré, comme disent les drogués sponsorisés, j’ai laissé planer le doute sur le sérieux de cette candidature. Un mec avec une cape ridicule et qui s’appelle Super Rebelle, normalement, ça fait la blague. Eh bien non ! Rien de grave mais quelques remontées puantes de-ci, de-là m’ont vite renseigné sur le fait que je courais au-devant d’un paquet d’emmerdes. Comme dirait Guy Debord, « dans un monde réellement inversé, le vrai est forcément un moment du faux » . Autrement dit : notre société se barre légèrement en couille au niveau des repères de base. Le clown fait flipper le politique au lieu de le faire marrer. Et puis des gens dans la rue qui commencent à vous demander ce que vous allez faire contre le chômage longue durée ou le pouvoir d’achat… Ça fait drôle, ou plutôt ça fait triste.

Côté programme :

Je suis comme les autres, ça avance. De loin, je suis le candidat virtuel qui pratique la démagogie au plus haut point, mais honnêtement puisque mon principe est simple : le langage de la vérité totale. Mon programme est un cahier de doléances, une poubelle démocratique où les électeurs m’envoient leurs idées que je note scrupuleusement. Toutes. Du n’importe quoi au parfaitement sérieux. En voilà quelques-unes :

– La chanson « Les 1000 Colombes » de Mireille « légion d’honneur » Mathieu remplacera « la Marseillaise ».

– Création d’un ministère des Cheminées pour dialoguer avec le père Noël.

– Importation de grands patrons à bas prix d’Inde ou de Chine pour remplacer les nôtres.

– Rajouter un S à « Pôle emploi » pour lutter contre le chômage, et création de 5 millions d’emplois fictifs.

La préparation communicative :

À notre époque, le paquet cadeau est plus important que le contenu, le faire-savoir a étouffé le savoir-faire, et la forme a bouffé le fond. Super Rebelle fera tout pareil que les autres. J’ai donc appelé des agences de communication pour s’occuper de ma campagne. Pensant être refoulé de toute part, quelle n’a pas été ma surprise qu’elles me disent oui ! Sur un simple coup de fil ! Et pas des petites agences ! La démarche leur plaît, et peut-être qu’elles aussi en ont ras le spot de l’enfumage politicard perpétuel. Il a fallu en choisir une, un luxe ! Et qui bossera à l’œil ! Je ne serai pas le seul. On m’a dit, de source sûre – comme dirait Klaus Guéant –, qu’aucun candidat ne paye sa campagne, le principe étant le retour d’ascenseur. Border line niveau honnêteté… mais comme ça, c’est le contribuable qui paye l’addition du vainqueur, via l’ascenseur.

Séance photos, affiches de campagne, choix du slogan, livre du candidat (en janvier), fabrication de tee-shirts, badges, ballons, capotes… Quant aux slogans de campagne, le choix reste à faire entre « L’esprit de l’Aphrance » ; « Rendez-nous les clés » ; « Patapum ! » ; « Au boulot pour travailler », etc. Vous pouvez envoyer vos idées de slogans ! Restons ludiques face au désespoir.

Le candidat à la Fête de l’Huma, gros succès ! Première sortie politique de Super Rebelle sous les yeux ébahis et complices des cocos et autres extrémistes de gauche. Rencontre avec Mélenchon, avec qui est prévu un débat sur le thème du dépit général. J’attends des nouvelles… Organisation d’un « café politique », rencontre entre le candidat Super Rebelle et le public au Restau savoyard. Beaucoup de monde pour en rire. Peut-être la solution ?
En résumé des trois jours : la gauche du bout a de l’humour, ce qui n’a pas toujours été le cas… et c’est tant mieux parce que ça met de la distance pour y voir plus clair.

Digression
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