Ces délirants fous du volant

Le Mondial de l’automobile ouvre ses portes le 29 septembre, sur fond de baisse des ventes en Europe. Le lobby du secteur ne désarme pas, prêt à tout pour lutter contre la « piétonisation ».

Claude-Marie Vadrot  • 27 septembre 2012 abonné·es

L’inflation des publicités pour les voitures dans les médias nous avertit que le Mondial de l’automobile, successeur du Salon de l’auto, créé en 1898, approche. Les hôtesses nonchalamment appuyées sur des voitures rutilantes sont de retour à la télévision et dans les magazines. Sont attendus plus d’un million de visiteurs, qui, en dépit des avertissements des autorités sanitaires, auront un choix fourni de véhicules roulant au diesel : 80 % des modèles le proposent, tandis qu’il représente 60 % des 38 millions de voitures en circulation et 75 % des ventes en 2012. Au cours de la conférence environnementale des 14 et 15 septembre, la question du gazole a d’ailleurs été décrétée taboue, alors que les particules fines émises par ce carburant sont considérées comme dangereuses pour la santé. Les constructeurs tenteront de soigner leur image en abreuvant la presse de communiqués vantant les voitures électriques, lesquelles ne représentent que 0,2 % du parc en circulation, sans préciser toutefois qu’il existe peu de prises en ville, et encore moins en zone rurale, pour les recharger. Remarque qui ne nous exonère pas d’une nécessaire discussion sur l’utilité de la propulsion électrique, dont la réussite éventuelle se transformerait certainement en argument pour justifier la prolongation de la vie des centrales nucléaires…

Alors que les ventes de voitures baissent en France et dans toute l’Europe – 13,4 % de moins dans l’Hexagone et 7,1 % pour l’Union européenne –, le lobby automobile, de la Fédération des automobile-clubs à l’association 40 Millions d’automobilistes en passant par le très chic Automobile club de France (dont la cotisation annuelle est de 2 000 euros, après un modique droit d’entrée de 3 500 euros), repart à l’assaut de l’opinion publique. Pour la persuader que, sans voiture, on reste un sous-citoyen. Et ce lobby de se lamenter sur l’isolement des banlieusards ou des ruraux pour justifier sa défense du tout-voiture. Quant aux journalistes spécialisés, ils rivalisent de louanges sur les nouveaux modèles, bornant leurs critiques à la forme des cendriers ou à l’ergonomie des vide-poches. Les associations d’automobilistes, quand elles ne contestent pas les limitations de vitesse et l’existence des radars automatiques, pourfendent la « piétonisation » en marche, les pistes cyclables, les travaux des tramways ou la reconquête des rives de cours d’eau que certaines municipalités s’attachent à rendre à leurs habitants, aux dépens des autoroutes sur berges.

Les pressions sur les élus s’accentuent depuis quelques mois. L’Automobile club des avocats, une association qui regroupe des juristes se consacrant à la défense d’automobilistes réfractaires au code de la route, est ainsi parti en guerre contre les restrictions de circulation, pourtant bien légères, sur les voies sur berges parisiennes. Rappelons que celles-ci ont été transformées en autoroute grâce à Georges Pompidou, qui, à la fin des années 1960, voulait « adapter Paris à la voiture  ». L’ancien président avait aussi souhaité recouvrir le canal Saint-Martin pour que l’autoroute du Nord aboutisse à la Bastille et que celle du Sud soit prolongée (radiale Vercingétorix) jusqu’au cœur du quartier Montparnasse. Projets que la mobilisation des écologistes et des Parisiens avait heureusement empêchés. Aujourd’hui, scandale sur les voies sur berge : la Mairie de Paris et la préfecture de police ont disposé quatre feux rouges (en attendant plus) dans le IVe arrondissement pour permettre aux passants de gagner – sans risquer leur vie – les espaces verts installés le long de la Seine sur 1,5 km. Les avocats à moteur, qui n’ont sans doute pas les moyens d’emprunter les transports en commun, vont contester cette amélioration devant la justice. Ils dénoncent la « privatisation du domaine public », destinée selon eux à «satisfaire ceux qui veulent chasser la voiture de Paris  ». On attend qu’ils contestent aussi la privatisation des autoroutes et celle de la SNCF…

Écologie
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