Justice : Adapter la condamnation et cibler la réinsertion

Lancée le 18 septembre par Christiane Taubira, la conférence de consensus sur la récidive étudiera comment le système judiciaire français peut étendre le principe des peines de probation.

Clémence Glon  • 13 septembre 2012 abonné·es

Un nouveau type de condamnation pour changer l’opinion. En projetant de généraliser les peines de probation pour la petite délinquance, Christiane Taubira s’engage pour une autre vision de la prison. Punir n’est pas forcément synonyme d’enfermer. Le Conseil de l’Europe le recommande depuis 2006 : la prison ne doit se présenter que comme une option de « dernier recours », et les États doivent placer dans l’échelle de leurs condamnations une « contrainte pénale communautaire » (CPC), l’autre nom de la peine de probation.

Au gré des études, le constat est le même : c’est en mettant les petits délinquants derrière les barreaux qu’on augmente les risques de récidive. Selon les principales recherches françaises, 63 % des détenus sortant de prison sans aménagement de peine sont à nouveau condamnés dans les cinq ans, contre 39 % pour ceux qui sortent en libération conditionnelle. C’est bien pourquoi la probation et les moyens qu’elle nécessite seront au cœur de la conférence de consensus sur la récidive que lance Christiane Taubira ce 18 septembre, et dont le comité d’organisation devrait être présidé par la magistrate Nicole Maestracci. Si assurer suivi et assistance aux condamnés en milieu ouvert demande du personnel, les créations de postes ne sont pas à l’ordre du jour. Le défi est de faire mieux avec les mêmes moyens. Les peines alternatives existent déjà en France. « Sur les 250   000   personnes suivies par des services pénitentiaires d’insertion et de probation (Spip), 180   000 le sont dans le cadre d’une mise à l’épreuve », précise Charlotte Cloarec, conseillère d’insertion et de probation (CIP) à Brest et secrétaire générale du Snepap-FSU (Syndicat national de l’ensemble des personnels de l’administration pénitentiaire). Les aménagements de peine, les sursis avec mise à l’épreuve ou les travaux d’intérêt général évitent aux condamnés de passer par la case prison. Mais ils le font de manière stricte et rigide. Et c’est sur ce point que la peine de probation avancée par la garde des Sceaux marquera la différence. Il est question d’une condamnation adaptée à la personne, en fonction de ses besoins psychologiques, économiques et sociaux, ciblant la réinsertion. « Il arrive que, pour une conduite en état d’ivresse, le magistrat préconise un travail en rapport avec l’addiction à l’alcool tandis que la source du problème est d’ordre social   *: chômage, divorce,* poursuit Charlotte Cloarec. Le soin s’avère alors inutile. »

Pour le Snepap-FSU, l’idéal serait que le tribunal se prononce sur la durée de la condamnation sans en donner les modalités. Le Spip aurait alors la charge de définir les activités et le rythme de suivi à prescrire au condamné. « Le juge d’application des peines donnerait son accord par la suite », explique Charlotte Cloarec. Les idées ne manquent pas, à la différence des moyens. Aujourd’hui, les CIP sont débordés. En France, un conseiller gère entre 85 et 150 dossiers contre 25 au Canada ou en Suède. Comment assurer un accompagnement adapté dans la recherche d’un emploi, le remboursement de la partie civile, le soin des condamnés ? Du côté du ministère, on table sur des économies à moyen terme. Réussir l’intégration des personnes condamnées coûte évidemment moins cher à la société. Tout comme la simplification d’un système judiciaire où la prison reste privilégiée pour sa visibilité. Un scénario rêvé dans l’attente d’une démonstration qui s’annonce délicate.

Société Police / Justice
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