Laïcité : Un texte à double lecture

Le ministre de l’Éducation a présenté lundi sa charte de la laïcité. Un document à vocation pédagogique qui pointe l’islam sans le nommer.

Nicolas Salvi  • 12 septembre 2013 abonné·es

Présentée lundi matin par Vincent Peillon dans un lycée de Seine-et-Marne, la charte de la laïcité à l’école se veut une nouvelle tentative de rappeler, sur un registre pédagogique, les grands principes républicains. Elle sera dorénavant affichée dans tous les établissements scolaires publics. Hélas, depuis quelques années, toutes les tentatives de convoquer la laïcité semblent surtout destinées à montrer l’islam du doigt. Le texte avancé par Vincent Peillon, malgré les bonnes intentions affichées, n’échappe pas à ce soupçon.

Parmi les éléments du texte prêtant à débat, il y a l’article 9, qui stipule que « la laïcité  […] garantit l’égalité entre les filles et les garçons ». Pour la sociologue Nacira Guénif-Souilamas ( Libération du 6 septembre), « c’est une manière de pointer du doigt, une nouvelle fois, sans les nommer, ces musulmans supposés hétérosexistes ». Et on ne peut qu’aller dans le sens de la sociologue lorsqu’elle observe que les oublis de ce texte en disent finalement davantage que ce qui est écrit : « Comment lutte-t-on contre toutes les autres inégalités entre les élèves, et notamment les inégalités économiques, sociales et ethniques, qui aggravent d’ailleurs l’inégalité entre les sexes ? », s’interroge Nacira Guénif-Souilamas. On peut craindre que le texte ne pose plus de problèmes qu’il n’en résoudra lorsqu’il avance qu’ « aucun élève ne peut invoquer une conviction religieuse ou politique pour contester à un enseignant le droit de traiter une question au programme ». Si on ne peut que souscrire à cet impératif, on doit aussi se demander si le problème se pose si souvent qu’il faille afficher cette évidence. Enfin, un autre article laisse perplexe : « La laïcité permet l’exercice de la liberté d’expression des élèves dans la limite du bon fonctionnement de l’École comme du respect des valeurs républicaines et du pluralisme des convictions. » On devine la part d’arbitraire que peut contenir cet énoncé. Bref, on souhaite bon courage aux enseignants pour faire appliquer ces articles à la limite de la contradiction. À moins que le ministre ne mise sur la sagacité des élèves, qui, « par leurs réflexions et leurs activités  […], contribuent à faire vivre la laïcité au sein de leur établissement ».

Société
Temps de lecture : 2 minutes

Pour aller plus loin…

« J’aimerais qu’on combatte le système qui rend les étrangers fous »
Témoignage 18 décembre 2025 abonné·es

« J’aimerais qu’on combatte le système qui rend les étrangers fous »

À l’occasion de la Journée internationale des migrants ce 18 décembre, des collectifs appellent à une grève antiraciste, la « Journée sans nous ». Politis a rencontré Ousmane, sans-papiers guinéen. Il raconte la mécanique d’un système « qui profite des sans-papiers » et les pousse à bout.
Par Pauline Migevant
« Le mérite existe-t-il ? » : notre sélection pour aller plus loin
Sélection 17 décembre 2025

« Le mérite existe-t-il ? » : notre sélection pour aller plus loin

Une sélection de la rédaction de Politis, pour compléter la lecture du numéro spécial « Vouloir n’est pas pouvoir. Le mérite extiste-t-il ? », à retrouver sur la boutique en ligne ou sur le site du journal.
Par Politis
Kaoutar Harchi, Dylan Ayissi : « Le mérite est une notion piège »
Entretien 17 décembre 2025 abonné·es

Kaoutar Harchi, Dylan Ayissi : « Le mérite est une notion piège »

Dans un entretien croisé, Kaoutar Harchi, autrice et sociologue, et Dylan Ayissi, président de l’association Une voie pour tous, remettent en question la notion de mérite dans un système scolaire traversé par de profondes inégalités.
Par Kamélia Ouaïssa et Hugo Boursier
Féris Barkat : former et transformer
Portrait 17 décembre 2025 abonné·es

Féris Barkat : former et transformer

Entre plateaux de télévision, activisme et son nouveau poste d’enseignant, Féris Barkat transforme la visibilité en responsabilité. À seulement 23 ans, le jeune Strasbourgeois, fraîchement arrivé à Paris, veut créer du changement, collectivement.
Par Kamélia Ouaïssa