EELV : un congrès houleux

Reconduite de justesse à Caen, la ligne Duflot, avec Emmanuelle Cosse à sa tête, n’a pas obtenu la majorité au conseil fédéral.

Patrick Piro  • 4 décembre 2013 abonné·es

Avait-on déjà entendu Cécile Duflot huée à la tribune ? Samedi dernier, à Caen, lors d’un congrès tendu, la ministre du Logement et leader naturelle du parti a été reçue par une frange des militants d’Europe Écologie-Les Verts (EELV) comme une cheffe de clan quand elle a tancé « la tentation du confort de la minorité », et « le risque de préférer le renoncement à l’action ». Cible : le pôle d’opposition à sa majorité, structuré autour de La Motion participative (avec Avenir écolo), tenté par une sortie du gouvernement et qui serait responsable d’avoir entravé un large rassemblement. Ce pôle a recueilli 36 %. Là où vit l’écologie (Love), des amis d’Eva Joly, se contente de 8 %. Les amis de Cécile Duflot, avec leur motion Pour un cap écologique, alliée à Via ecologica, ont été reconduits à la tête du parti avec 55 %.

Suffisant pour tenir le bureau exécutif, et désigner Emmanuelle Cosse secrétaire nationale, mais trop juste pour la majorité de 60 % requise pour les délibérations du conseil fédéral (le parlement écologiste). D’autant que près de 8 % des délégués ont voté blanc, ce qui abaisse le poids effectif de la nouvelle majorité à 51 %. Du congrès de La Rochelle, en 2011, était sortie une vaste synthèse (93 % des votes). Échec à Caen, qui a résonné d’incantations stériles. L’opposition et la majorité ont entretenu un temps l’illusion d’un possible rabibochage. Les premiers voulaient un signe fort de rééquilibrage des pouvoirs : le secrétariat national, voire un surcroît de places au bureau exécutif. « Votre courant dispose de nos deux ministres, de la présidence et de la majorité de nos groupes d’élus à l’Assemblée nationale et au Sénat : est-ce cela que l’on appelle le partage du pouvoir ? », peste l’eurodéputé Yves Cochet. « Un pôle de conservation et de stagnation ! », pour Jacques Boutault, maire du IIe arrondissement de Paris, qui s’interroge sur la capacité d’EELV à changer de cap avant de vouloir l’imposer au gouvernement. En vain. Alors que les scénarios d’alliance « large » au centre des tractations caennaises excluaient la motion Via ecologica (17 % au premier tour), dont certaines personnalités concentrent les critiques (Stéphane Gatignon, Karim Zéribi, Jean Desessard), cette dernière décroche, grâce à son alliance avec Pour un cap écologique, 3 des 15 postes du bureau exécutif – presque autant que le pôle de gauche (qui en a obtenu 4). « Instable », critique l’opposition, qui peut pour sa part regretter de s’être crispée sur des enjeux internes, sans parvenir à esquisser de vrai projet alternatif à la stratégie de la majorité – rester au gouvernement.

Empêtrés dans des querelles où les ego ont joué un rôle important, les écologistes ressortent de Caen divisés, affaiblis et incapables de délivrer un message fort, pas plus au gouvernement qu’à l’opinion. « Nul ne peut être satisfait que nous ne soyons pas parvenus à un rassemblement », constate Emmanuelle Cosse. Elle aura fort à faire dès le prochain conseil fédéral (14 et 15 décembre), qui doit introniser les têtes de liste EELV aux élections européennes. Sa majorité est déjà dans le collimateur : une grande partie des favoris est issue de ses rangs.

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