Contrôle du budget par l’UE : Pierre Lellouche (UMP) découvre la Lune

Michel Soudais  • 24 octobre 2014 abonné·es
Contrôle du budget par l’UE : Pierre Lellouche (UMP) découvre la Lune

Pierre Lellouche a jugé vendredi « très fort de café » **** que la Commission européenne veuille, selon lui, « retoquer le budget » qui relève de la « souveraineté nationale » , après la lettre envoyée par Bruxelles demandant des « précisions » sur le budget 2015. Le député UMP de Paris, interrogé sur France Info, a déploré que la Commission dispose d’un droit de regard sur un « projet de budget (en train d’être) discuté à l’Assemblée » , car « le budget, c’est la souveraineté nationale » . Le Pacte budgétaire européen ainsi qu’un ensemble de réglementations renforçant la gouvernance européenne permettent en effet de demander des révisions aux pays sortant trop des clous.

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C’est toutefois avec un cynisme absolu , à moins que ce ne soit par ignorance (mais dans ce cas c’est pire), que Pierre Lellouche regrette que « la France a [it] signé ce texte q ui permet à la Commission de regarder ce budget » . Car les textes (traité, directives et règlements) qui autorisent cette immixtion dans nos débats budgétaires ne datent pas tous du quinquennat de François Hollande. Et tous ont été approuvé par les députés, sénateurs et députés européens membres de l’UMP, avec l’aval de Nicolas Sarkozy quand celui-ci était à la tête de l’État. ll est extrêmement improbable que Pierre Lellouche l’ignore, lui qui fut secrétaire d’État aux Affaires européennes dans le gouvernement Fillon II, du 23 juin 2009 au 13 novembre 2010.

Alors qu’il occupait cette fonction , Martine Billard, alors députée du Parti de gauche, avait déposé une proposition de loi constitutionnelle garantissant la souveraineté du peuple en matière budgétaire. Enregistrée le 20 octobre 2010 et cosignée par l’ensemble de ses collègues membres du groupe GDR, elle visait, par l’ajout de deux phrases au premier alinéa de l’article 88-2 de la Constitution, à s’opposer à la Commission européenne, qui, dans une communication au Parlement européen, au Conseil européen, au Conseil, à la Banque centrale européenne, au Comité économique et social européen et au Comité des régions du 12 mai 2010 intitulé « Renforcer la coordination des politiques économiques » [COM(2010) 250], souhaitait contrôler a priori les budgets nationaux des 27 pays de l’Union européenne. Débattue en séance publique le 2 décembre 2010, dans le cadre de la niche parlementaire du groupe GDR, cette proposition de loi avait été repoussée le 7 décembre, lors d’un vote qui a fait l’objet d’un scrutin public, par l’ensemble des députés des groupes UMP, UDI et PS, à l’exception d’Henri Emmanuelli, seul socialiste à voter pour.

On épargnera à Pierre Lellouche le rappel des votes au Parlement européen des directives et règlements du « Six pack » et du « Two pack », ainsi que celui de la ratification du TSCG, qu’il a approuvé comme député. Les élus de l’UMP, comme la plupart de nos socialistes, ont tout avalé. De la même manière qu’ils ont adoubé les deux Commissions de Barroso, dont il déplore aujourd’hui qu’elles aient été « lamentables » , après que Nicolas Sarkozy eut soutenu ce dernier pour un second mandat. Soit, durant toute cette période, M. Lellouche exerçait son mandat, comme un trop grand nombre de nos élus, en dilettante, soit, en bon godillot, il approuvait tout ce que son chef de clan lui demandait d’approuver, soit il était incompétent. Dans tous les cas, il est disqualifié pour rappeler que, «  si quelqu’un doit sanctionner [les dirigeants français] pour non-respect des obligations, c’est le peuple français et non la Commission » .

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