Facebook et Apple libèrent les femmes

[Chronique] Apple et Facebook proposent à leurs employées de congeler leurs ovules. Des mesures qui accréditent l’idée d’une incompatibilité entre vie professionnelle et maternité.

Geneviève Azam  • 17 octobre 2014 abonné·es
Facebook et Apple libèrent les femmes
© Photo : J.W.Alker / Picture Alliance / Picture-Alliance/AFP

Au moment où le débat sur la famille bat son plein , l’industrie de la reproduction pourrait fournir des réponses aux femmes soucieuses de concilier vie professionnelle et maternité. Facebook et Apple, à la recherche de talents féminins, veulent permettre à ces cerveaux de ne pas subir les contraintes temporelles d’une maternité et les aléas de la biologie. Ils incluent dans leur couverture médicale les frais liés à la vitrification[^2] d’ovules, qui dit permettre aux femmes de poursuivre leur carrière, libérées du temps biologique. La mesure est généreuse puisque les coûts liés à l’extraction et à la congélation s’élèvent actuellement à 10 000 euros pièce, soit 20 000 euros pour les deux prélèvements pris en charge. L’accroissement de la demande devrait cependant permettre des économies d’échelle et une diminution rapide des coûts. On ignore si ensuite elles pourront choisir parmi les embryons qui résulteront de la fécondation in vitro . On ne voit pas pourquoi elles en seraient empêchées. L’eugénisme 2.0 est libre, soft et clean .

Illustration - Facebook et Apple libèrent les femmes - PHILIPPE LOPEZ / AFP

Ainsi pourrait être réalisée l’égalité professionnelle. Le «handicap» des femmes étant levé, elles pourront entièrement s’adonner au travail dans leur période fertile. Si la technique divise outre-Atlantique, certains et certaines n’hésitent pas à y voir une technique finalement assez banale, dans le prolongement de la contraception. Avec même une amélioration substantielle : les ovules extraits dans la phase de pleine fertilité ont des chances d’être d’une meilleure qualité que ceux résultant d’une ovulation retardée par la contraception. Comme dirait notre prix Nobel national, l’analyse avantage-coûts devrait plébisciter ces méthodes.

Bien sûr, on peut voir dans ces propositions des mesures extravagantes venues de la Silicon Valley. Nous aurions certainement tort. Pour plusieurs raisons. Elles accréditent l’idée d’une incompatibilité entre une vie professionnelle réussie et le temps biologique des femmes. Elle confère aux entreprises le soin de planifier les naissances. Elles concourent à banaliser la fécondation in vitro, qui, de technique complémentaire, pourrait bien devenir dans les prochaines années la technique dominante de la reproduction humaine, tellement plus high-tech ! Et enfin, en s’étendant, elles stimulent l’industrie de la reproduction qui connaît un goulot d’étranglement : contrairement aux spermatozoïdes, la production d’ovules est limitée malgré les techniques de production intensive avec traitement hormonal des femmes.

La France a voté l’autorisation de la vitrification des ovocytes en 2011, pour «raisons médicales» . Pourtant le collège national des gynécologues et obstétriciens français demande depuis l’autorisation de vitrifier les ovocytes par «convenance» et pour assurer l’égalité entre hommes et femmes. Autant de prévenance féministe devrait nous alerter. L’industrie reproductive, en ces temps de démission sociale et politique, pourrait bien être plus redoutable que Moulinex, qui, en son temps, prétendait aussi libérer les femmes.

[^2]: Congélation rapide à – 196 °C.

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