Loi Macron : Une approbation en trompe-l’œil

La focalisation des débats sur les aspects les plus connus de la loi Macron a permis
au gouvernement de faire passer une foule de dispositions d’un libéralisme rétrograde.

Michel Soudais  • 26 février 2015 abonné·es

La loi Macron est « majoritairement approuvée par les Français », a répété à satiété le gouvernement pour justifier le recours à l’article 49-3. Sous les réserves que l’on peut faire sur les sondages, l’argument n’est pas faux. À ceci près que les échantillons interrogés ne connaissaient du projet de loi que les mesures les plus médiatisées : extension des ouvertures de magasins le dimanche, réforme des professions réglementées, libéralisation du transport par autocar. Or, ces dispositions sont loin de résumer tous les aspects d’un texte fourre-tout constitué de 106 articles très techniques, touchant des domaines très variés.
Car Emmanuel Macron a aussi mis dans son projet de loi quelques-unes des 316 propositions issues de la commission Attali, constituée par Nicolas Sarkozy, dont il était le rapporteur. On y trouve ainsi des dispositions qui, sous prétexte de libérer la croissance, relèvent du libéralisme le plus rétrograde. Le début du travail de nuit est repoussé de 21 h à minuit, et la majoration des heures dépendra d’un accord et non de la loi. Le droit des licenciements est détricoté. Notamment, un distinguo introduit entre entreprises et groupes permettra à ces derniers de liquider des filiales sans endosser la moindre responsabilité financière ; la contestation des licenciements est rendue inefficiente, etc.


Certes, devant la protestation de la plupart des journaux et sociétés de journalistes, le ministre de l’Économie a dû reculer sur le secret des affaires, mais un article permet aux entreprises de moins de cinquante salariés de ne plus publier leurs comptes, or bien des holding sont dans ce cas. Le délit d’entrave, qui pouvait conduire des patrons au pénal, ne sera plus passible que d’une amende ridicule de 7 000 euros.
Le projet de loi ne se contente pas d’affaiblir les droits des travailleurs, y compris handicapés, il détricote aussi le droit de l’environnement, modifiable par ordonnances. 
Le travail dominical, qui a focalisé l’attention, n’était qu’un « nez rouge » masquant le reste du texte, estime Gérard Filoche. Son examen débute au Sénat début avril. Une journée d’action intersyndicale est annoncée le 9 avril, avant le vote définitif en mai ou en juin à l’Assemblée. D’ici là, il est encore temps de décortiquer un texte qui organise une régression sociale sans précédent pour satisfaire Bruxelles et les marchés.

Politique
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