François Delapierre : Disparition d’une tête combattante

hommage François Delapierre, complice de Jean-Luc Mélenchon, est décédé d’un cancer.

Michel Soudais  • 24 juin 2015 abonné·es
François Delapierre : Disparition d’une  tête combattante
© Photo : Michel Soudais

Longtemps dans l’ombre de Jean-Luc Mélenchon, dont il a été l’inventif directeur de la campagne présidentielle, François Delapierre avait acquis un début de notoriété au printemps 2013 en qualifiant de « salopards » Pierre Moscovici et ses collègues de l’Eurogroupe. Cette sortie calculée, motivée par la décision de cet aréopage de ponctionner indistinctement les comptes des Chypriotes pour renflouer les banques de l’île d’Aphrodite, lui avait ouvert les portes des télés et des radios. Ses hôtes découvrent alors, derrière l’image rugueuse de l’idéologue, un bon débatteur, posé et courtois, usant de mots simples et arborant un sourire irrésistible.

Cette médiatisation naissante, stoppée brutalement l’été dernier lorsque les médecins lui découvrent une mauvaise tumeur au cerveau, est loin d’expliquer la quantité d’hommages qui a suivi l’annonce de son décès, samedi matin. C’est qu’à 44 ans, ce fils d’un chercheur et d’une professeure avait déjà un long parcours politique.

Il a à peine 16 ans quand il fait débrayer son lycée de banlieue contre le projet de loi Devaquet. Intégré dans la bande à Julien Dray, il adhère dans la foulée au MJS et à SOS-Racisme. Et devient, en 1988, le premier président élu de la FIDL. Son parcours se poursuit au bureau de l’Unef-ID, en parallèle à Sciences Po et un DEA de sociologie du travail à Nanterre. Au PS, il est à la Gauche socialiste, où Jean-Luc Mélenchon repère cette « tête bien faite ». Ministre délégué à l’Enseignement professionnel en avril 2000, il lui confie la responsabilité d’une cellule prospective et la direction de sa feuille hebdomadaire, À gauche, qu’il animera jusqu’à ses derniers jours.

De cette complicité intellectuelle, « chacun des deux tire le plus grand profit de l’autre », observe Alexis Corbière, qui les a suivis depuis le ministère. L’élimination de Jospin au premier tour en 2002 et les questions politiques de fond que suscite cette défaite déclenche chez eux une évolution que la campagne pour le « non » au TCE va rendre irréversible. Délégué général de l’association Pour la République sociale (PRS), fondée par Mélenchon en 2004, Delapierre imagine de nouveaux modes d’action, forme des militants, et leur livre chaque semaine une grille de lecture dans ses éditos.

Entré fin 2005 au bureau national du PS avec la conviction que les aspirations antilibérales du peuple nécessitent de rompre avec les habitudes de Solferino, il tisse des liens avec les formations de « l’autre gauche » qui serviront à la création du Front de gauche quand, en 2008, il imagine et organise pour Mélenchon le lancement du Parti de gauche. Une formation qu’il n’avait de cesse d’adapter aux nécessités de la construction d’un rapport de force capable de révolutionner le pays.

Politique
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