La lutte climatique s’invite au Crédit agricole… En maillot de bain

Des militants de l’ONG Les amis de la terre ont investi une agence parisienne du Crédit agricole, ce jeudi matin, pour protester contre le rôle de la banque dans la construction d’une centrale à charbon en Croatie.

Sasha Mitchell  et  Marianne Naquet  • 10 septembre 2015
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La lutte climatique s’invite au Crédit agricole… En maillot de bain

Bouées autour de la taille et transats à la main, ils sont une quinzaine à débouler sur le boulevard Sébastopol, aux alentours de 9 heures ce matin. « On va en vacances au Crédit agricole ! » , s’amusent certains, tandis que leurs camarades, t-shirts estampillés « Amis de la terre » sur les épaules, distribuent des tracts aux passants.

À l’intérieur de l’agence bancaire, des serviettes de plages sont étalées sur le sol, sous le regard perplexe des employés. « Le Crédit agricole soutient un projet dangereux pour l’environnement près d’un lieu de vacances, donc nous on vient passer les nôtres ici » , lance Lucie Pinson, chargée de campagne finance privée au sein d’Amis de la terre, en direction des deux directeurs de l’agence.

L’organisation de protection de l’environnement reproche à la banque de trahir son propre engagement de ne plus financer les mines de charbon en soutenant Plomin C, un projet de centrale près du village de Plomin, dans le Nord-Est de la Croatie. « Le Crédit agricole a ouvert un mandat de conseil en 2013 auprès de Marubeni, la société chargée du projet, précise Lucie Pinson. Ce qui signifie que le projet avance. »

Si la banque ne finance pas directement la construction de la centrale, elle a confirmé hier dans un communiqué être en charge du montage financier du projet et de la direction des études préalables à la recherche de financements.

Illustration - La lutte climatique s'invite au Crédit agricole... En maillot de bain

Aucune garantie d’indépendance énergétique

« Et qu’est-ce qu’on peut faire pour que le Crédit agricole arrête de soutenir le projet ? » , interroge un (faux) client, veste de costume impeccable et exemplaire des Echos sous le bras. « Il faut faire remonter à la direction, et, si les choses ne changent pas, rejoindre une banque qui ne soutienne pas de projets dans les énergies fossiles » , répond Lucie Pinson. À côté d’elle, près des distributeurs de billets, deux militants entament une partie de raquettes de plage.

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Selon l’ONG, la construction d’une telle centrale pourrait causer la mort prématurée d’environ 680 personnes, sans pour autant réduire la dépendance énergétique du pays. « Etant donné que la seule et unique mine de charbon de Croatie a fermé il y a 25 ans, Plomin C tournerait exclusivement avec du charbon importé, éclaire Bernard Ivčić, membre de la branche croate d’Amis de la terre joint cet après-midi par Politis . Cela n’aurait donc quasiment aucune incidence sur notre sécurité énergétique. »

À elle seule, la centrale pourrait être à l’origine de 40 % des émissions de CO2 du secteur d’ici à 2050, alors que la feuille de route de l’Union européenne préconise une réduction de 80 %.

À Plomin et dans ses environs, 94 % des habitants se sont déclarés opposés au projet lors d’un référendum local organisé en mars dernier, d’autant que le site se trouve à proximité d’une zone protégée. Deux éléments supplémentaires qui ne semblent pas freiner les velléités polluantes de Marubeni et de son conseiller français.

« Pas d’incohérence », selon le Crédit agricole

Contacté cet après-midi par téléphone, le Crédit agricole a déclaré ne voir aucune incohérence dans le fait de conseiller Marubeni : « De par notre expertise, c’est notre rôle de conseiller nos clients. »

Alors que Les amis de la terre l’accuse de « faire partie des responsables des changements climatiques » , au vu des 4,7 milliards d’euros investis dans les centrales à charbon entre 2005 et avril 2014, la banque a tenu à rappeler qu’elle était l’une des premières à s’engager à lutter contre le réchauffement climatique, « un devoir » selon elle.

À la sortie de l’agence bancaire Boulevard Sébastopol, ce matin, les militants ont affirmé leur volonté de poursuivre les actions de ce type jusqu’à ce que le Crédit agricole se retire du projet, avec l’espoir que Plomin C ne voie jamais le jour.

Les associations de sauvegarde de l’environnement ont multiplié ces derniers mois ce type d’action, pour dénoncer l’engagement des banques françaises dans les grands projets polluants. Le succès médiatique de l’opération de « vols de chaises » dans des agences de la BNP et de HSBC par l’association basque Bizi et Attac pourrait même donner quelques idées…

Lire > Renfort de poids pour les receleurs de chaises HSBC

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Écologie
Temps de lecture : 4 minutes
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