Régionales: ce qu’il faut retenir du premier tour

Suivez notre direct pour ne rien manquer de l’essentiel de la soirée électorale.

Michel Soudais  et  Jean-Claude Renard  • 6 décembre 2015 abonné·es
Régionales: ce qu’il faut retenir du premier tour
© Photo: PHILIPPE HUGUEN / AFP

Pour ce dernier rendez-vous électoral avant la présidentielle de 2017 , 44,6 millions d’électeurs sont appelés à élire 1.757 conseillers régionaux et 153 conseillers territoriaux (Corse, Guyane et Martinique) parmi 21.456 candidats répartis sur 171 listes. Si les enjeux politiques de cette élection sont avant tout locaux, ils sont aussi nationaux.

Lire > Régionales : Des enjeux locaux et nationaux

Ces derniers ont toutes les chances d’occuper ce soir le devant de la scène.
Le parti de Marine Le Pen avait échoué à s’imposer à la tête d’un département en mars, les sondages le donnait pour la première fois en mesure de l’emporter dans une à trois régions. Si bien que la question du retrait ou du maintien des listes arrivées en 3e position à l’issue du 1er tour, dans les régions où le FN peut l’emporter en triangulaires, dominera les débats.
Suivez notre direct en rechargeant régulièrement cette page.

19h00. Les électeurs ont davantage voté que prévu. Trois semaines après les attentats qui ont interrompu la campagne électorale et donné à ces régionales un tour sécuritaire marqué par une poussée du Front national dans les sondages, la participation est en hausse par rapport aux précédentes régionales. Elle est estimée entre 49% et 49,8%, selon cinq instituts de sondages.
Pour OpininonWay/B2S, l’abstention devrait s’élever à 49% sur la journée. Ipsos-Sopra Steria, TNS-Sofres-OnePoint et Ifop-Fiducial l’estiment à 49,5% et Harris interactive à 49,8%. Au premier tour des régionales 2010, l’abstention nationale s’était élevée à 53,6%.

19h30. Quid des sondages? Pour rappel, la veille de ce week-end, selon un sondage Ipsos/Sopra Steria pour Le Monde , le Front national arriverait en tête des intentions de vote au premier tour dans 6 régions.
– En Alsace-Champagne-Ardennes-Lorraine, avec 35%, devant l’Union de la droite (29%) et le PS (16%), et 5% pour le Front de gauche et EELV et gauche.
– Au Centre Val-de-Loire : FN : 31% ; Union de la droite : 29% ; Union de la gauche : 22% et Front de gauche : 8%
– Au Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées : FN : 34% ; Union de la gauche : 23% ; Union de la droite : 20% ; EELV et gauche : 11%
– Au Nord-Pas-de-Calais-Picardie : FN : 40% ; Union de la droite : 25% ; Union de la gauche 20% ; EELV et gauche : 6%
– En Provence-Alpes-Côte d’Azur : FN : 40% ; Union de la droite : 30% ; Union de la gauche : 16% ; EELV : 7,5%
– Et en Bourgogne-Franche-Comté : FN : 32% ; Union de la droite 24% ; Union de la gauche : 22% ; Front de gauche : 8%.

19h45. Estrosi déménage. En direct de Marseille, l’envoyée spéciale de BFM TV justifie sa présence : elle suit le QG de Christian Estrosi qui s’est estimé trop à l’étroit à Nice pour « accueillir » la presse. Sans la moindre ironie.

20h00. Nouvelle poussée du FN à 27,2% (estimation).

Illustration - Régionales: ce qu'il faut retenir du premier tour

Les premières estimations donnent ne FN en tête au niveau national, mais avec une avance sur la droite (LR+UDI) beaucoup plus faible que ce qu’annonçaient les sondages. Selon ces estimations Ipsos/Sopra Steria pour France Télévisions, le parti de Marine Le Pen se retrouve en tête dans 6 régions : Nord-Pas-de-Calais-Picardie, PACA, Alsace-Lorraine-Champagne-Ardenne, Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées, Bourgogne-Franche Comté et Centre-Val de Loire.
– En Nord-Pas-de-Calais/Picardie, Marine Le Pen obtient une fourchette entre 40,3% et 42,1% des suffrages, devant la droite et le PS. Le candidat de la droite et du centre, Xavier Bertrand, est donné loin derrière, entre 24,2 et 25% des suffrages, devant celui du PS Pierre de Saintignon (17,7% à 18,4%).
– En Provence-Alpes-Côte d’Azur, Marion Maréchal-Le Pen (FN) réalise 41,2% à 41,9% des voix, devant les listes de droite de Christian Estrosi (24 à 26%) et du PS Christophe Castaner (15,8 à 18,1%). La liste EELV-Front de gauche de Sophie Camard obtient entre 4,9% et 7,1%, tandis qu’aucune autre ne dépasse les 5%.
– Florian Philippot (FN) arrive largement en tête en Alsace-Lorraine-Champagne-Ardenne, entre 35 et 39,6% des voix, devant Philippe Richert (LR/UDI/Modem) avec 22,6% à 26% des voix et le PS Jean-Pierre Masseret (16,1 à 16,7%). L’écologiste Sandrine Bélier obtient entre 5,9 et 6,8% des voix, le régionaliste Jean-Georges Trouillet entre 4,2 et 5,3%.

20h05 Pierre de Saintignon (PS) appelle à la fusion des listes avec la liste LR-UDI-MoDem de Xavier Bertrand.

Illustration - Régionales: ce qu'il faut retenir du premier tour

Avec 18,4% de vote, le candidat socialiste en Nord-Pas-de-Calais-Picardie semble baisser les armes, et espère clairement une fusion. «Tout doit être fait pour que les défenseurs de la République et de nos valeurs gagnent», déclare-t-il. «Personne ne peut avoir ce soir la prétention de gagner seul. Personne ne peut prendre le risque de laisser la division, le refus des autres, la haine, diriger notre région» , plaide-t-il. Il ne se retire pas encore, mais Xavier Bertrand peut jubiler.
Ce dernier, une minute après, présente sa liste comme la seule alternative possible à Marine Le Pen et dit «aux électeurs de gauche qu’il peuvent se reconnaître dans [son] projet» .

Le gouvernement nie tout «naufrage»

20h15. Pour le gouvernement, tout va bien! «Le total de la gauche en fait le premier parti de France» , déclare Stéphane Le Foll, porte-parole du gouvernement. «J’ai regardé l’ensemble des résultats consolidés ce qui fait le rapport de forces entre la gauche, la droite et l’extrême droite. Si je regarde ce rapport de force, le total de la gauche, qu’on disait en difficulté, doit dépasser les 36% et en fait le premier parti de France» , a déclaré sur TF1 M. Le Foll en lançant «un appel au rassemblement de la gauche» pour le deuxième tour.
«On a trop souffert des divisions. On n’aurait pas dû laisser partir des listes divisées là où on savait qu’il y avait un risque très clair de voir le FN arriver en tête. Je le répète, j’appelle au rassemblement de toutes les forces de gauche et des écologistes» , a-t-il insisté.
Interrogé sur les résultats du PS, Stéphane Le Foll a toutefois concédé une situation «difficile» : «Nous sommes jugés sur une situation économique, sur des enjeux très importants à l’échelle de l’Europe, sur des grands problèmes migratoires, nous faisons face et je n’ai jamais dit que c’est facile et je n’ai jamais dit que l’adhésion se faisait mais vous ne pouvez pas dire qu’il y aurait un naufrage.»
«Dans ce pays, oui, il y a trois grandes forces j’en suis parfaitement conscient mais dans ces trois grandes forces, la gauche, si elle sait se rassembler, est devant les autres» , a-t-il poursuivi.

20 h 27. Sarkozy: ni retrait, ni fusion. Nicolas Sarkozy dit non. Non à tout retrait de liste et à toute fusion. A mot couvert, il appelle à tenir compte du vote en faveur du Front national: «Il nous faut entendre et comprendre l’exaspération profonde des Français.»

20h35. Emmanuelle Cosse (EELV) pour la fusion des listes de gauche et écologistes. Après avoir regretté que son parti n’ait pas eu des «scores plus hauts» , Emmanuelle Cosse a déclaré à France 2: «Ce que nous pouvons faire, c’est travailler à la fusion des listes de gauche et des écologistes au second tour» , afin d’ «avoir des régions demain qui soient dirigées par cette majorité-là» .

20h40. Lagarde (UDI): Pas de fusion mais retrait. «Partout où le FN peut gagner, nous souhaitons le retrait des listes en 3e position» , déclare Christophe Lagarde, président de l’UDI, sur France 2.

20h43. France2 coupe son plateau pour Philippot. Après Marine Le Pen, le service public coupe la parole au débat qui se nouait sur son plateau entre Jean-Marie Le Guen et NKM, pour retransmettre la prise de parole sans intérêt du numéro deux du FN, que la chaîne se résout à interrompre après 2 minutes.

20h50. La direction du PS va décider de l’avenir des listes PS. Sur France 2, Stéphane Le Foll confirme que le devenir des listes PS sera annoncé par la direction du parti, et non localement. Comme l’avait affirmé à l’AFP, quelques minutes plus tôt, une porte-parole du PS, après les déclarations du candidat en Alsace-Lorraine-Champagne-Ardennes, Jean-Pierre Masseret. Ce dernier, arrivé troisième, avait déclaré depuis son QG de Maizières-lès-Metz : « Il n’y a pas de retrait et pas de fusion qui n’aurait aucun sens » au second tour.
« Il n’y a pas de décision locale qui tienne , a déclaré Corinne Narassiguin à l’AFP. Pour le PS, toutes les décisions doivent être prises au niveau du bureau national, en concertation avec nos partenaires de la gauche [comprendre PRG, UDE, NDLR]. Les décisions qui seront prises pour le second tour, c’est Jean-Christophe Cambadélis (le premier secrétaire, NDLR) qui les annoncera » . Le bureau national du PS doit se réunir à 21h.

21h15. Pécresse devance Bartolone en Ile-de-France. La première estimation sur la région capitale s’affiche à l’écran.

Illustration - Régionales: ce qu'il faut retenir du premier tour

Derrière ce trio de tête, Emmanuelle Cosse (EELV) est à 7,5%, Pierre Laurent (Front de gauche) à 6,2%, à égalité avec Nicolas Dupont-Aignan (Debout la France). D’autres estimations donne toutefois le député maire de Yerres devant la liste conduite par le secrétaire national du PCF.

21h16. Le PCF appelle à la fusion des listes à gauche. Dans une déclaration diffusée par mail à la presse, Pierre Laurent affirme que «pour le second tour, le PCF (…) appelle à construire des listes de second tour qui rassemblent les différentes listes de gauche du premier tour» . «Dans ces listes, personne ne se rallie à personne» , précise-t-il.

21h18. Un quadripartition de l’électorat. Pour le sondeur Brice Teinturier qui clôt la soirée électorale de France 2, «ce n’est pas une tripartition que l’on voit ce soir, mais une quadripartition de l’électorat puisque les motivations des électeurs écologistes et du Front de gauche ne sont pas les mêmes que celles des électeurs du PS» .

21h20. Fin de rideau pour TF1 et France 2. Les deux chaînes principales (en termes d’audience) bouclent « leur mission ». David Pujadas semble hilare, malgré un spectacle politique désolant.

21h35. Manuel Valls silencieux ce soir. Il se confirme que Manuel Valls ne s’exprimera pas ce soir, contrairement aux départementales où il s’était exprimé dès 20h. Est-ce parce que le mot d’ordre rue de Solferino est de rassembler la gauche?

21h40. Claude Bartolone (PS) affirme la victoire possible. Arrivé en deuxième position en Ile-de-France, le président de l’Assemblée nationale juge « possible » une victoire au second tour si toutes les gauches se « rassemblent » . « C’est possible, si comme je le crois les socialistes, les écologistes et le Front de gauche peuvent se rassembler » , estime-t-il.

21h45. Rachida Dadi s’exprime. On a beau être sur des élections régionales, sur le plateau de i-Télé, Rachida Dati accuse Christiane Taubira d’être « aux abonnés absents ». Ç’en fait même pouffer Bruce Toussaint.

21h57. Même titre pour L’Humanité et Le Figaro . Le quotidien de Serge Dassault présente sa Une sur Twitter: «Le choc» C’est le même titre, mais avec un choix de photo différent, qu’avait annoncé le quotidien communiste vingt minutes plus tôt.

Illustration - Régionales: ce qu'il faut retenir du premier tour

22h10. Le PS se retire dans trois régions. Le Bureau national du PS vote le retrait de ses listes dans le Nord-Pas-de-Calais-Picardie, en PACA, en Alsace-Champagne-Ardennes-Lorraine, selon plusieurs sources, mais dans sa déclaration le Premier secrétaire du PS n’évoque que les deux régions où des Le Pen sont candidates. Cette décision signifie qu’aucune force de gauche ne siégera dans ces régions jusqu’en mars 2021, les listes EELV-FdG, EELV-PG, ou PCF qui s’y présentaient n’ayant pas atteint la barre des 10% pour se maintenir.
«Le PS sera présent au second tour là où le total gauche permet de l’emporter» , déclare Jean-Christophe Cambadélis. «La gauche, quand elle est unie, est la première force du pays », assure-t-il en se disant convaincu que «le total gauche laisse espérer de nombreuses victoires» .
« Quelles que soient vos opinions, vos positions, je vous appelle à vous rassembler et unir autour de vous tous les partisans d’une France républicaine une et indivisible » , conclut-il, alors que la réforme territoriale éclate cette république une et indivisible, et que la politique du gouvernement n’a jamais autant divisé la gauche.

Le PS converti aux accords techniques

Dans sa déclaration Jean-Christophe Cambadélis a critiqué «le parti qui s’est pourtant nommé « Les Républicains »» , celui-ci ayant «dit son refus de pratiquer le désistement républicain, l’accord technique ou le simple retrait. L’histoire sera sévère pour ceux qui disent plutôt l’extrême droite que la gauche.» L’accord technique, que le PS a presque toujours refusé, aux listes de la gauche critique, semble donc admis désormais par Solferino. Rien ne s’oppose donc à ce que le PS accepte de fusionner avec des listes EELV ou Front de gauche qui refuseraient de s’engager à participer à un exécutif dirigé par le PS et à voter ses budgets.

Lire > Au deuxième tour, fusionner ou pas ?

23h00. Jean-Marie Le Pen supprime un tweet aux relents antisémite. Papy Le Pen bouge encore. Après un premier tweet dans lequel il se félicitait des scores du parti qu’il a longtemps dirigé, accompagné des hashtags #onestcheznous et #lesfrançaisdabord qui rappellent les fondamentaux du parti d’extrême droite, Jean-Marie Le Pen en publiait un second sybillin: «Contre mauvaise fortune bon cœur» , y écrivait-il à destination de Christian Estrosi que l’on voyait dans une vidéo accompagnant le tweet danser avec des juifs, plusieurs hommes – dont le député maire de Nice – portant une kippa, sans que le contexte ni la date de cette vidéo ne soient connus. Le fondateur du FN a supprimé ce tweet autour de 23h.

Un mode de scrutin qui devait minorer le Front national

24h00 Bilan de la journée. Le PS, la gauche et les écologistes disparaissent dans deux régions au moins, plus vraisemblablement dans trois les discussions entre la direction du PS et Jean-Pierre Masseret continuant en vue d’aboutir à la reddition de ce dernier dans la région Alsace-Lorraine-Champagne-Ardennes.

Manuel Valls, qui présidait une possible disparition de la gauche du fait de la montée du FN, est en passe de réaliser sa prophétie. En grande partie à cause des effets de la politique qu’il conduit sous la direction de François Hollande. Son silence ce soir était assourdissant.

Toutefois le naufrage de ce 6 décembre a une autre cause. Plus ancienne, et donc oubliée de notre société sans mémoire, elle n’en a pas moins produit ses effets, agissant comme un couperet. Cette cause, c’est le mode de scrutin. De 1986 à 1998, les conseils régionaux étaient élus à la proportionnelle à un tour sur listes départementales. Passer la barre de 5 % permettait d’avoir des élus et donc aux principaux courants politiques d’être représentés. Mais pour nos formations gouvernementales l’absence d’une majorité de godillots était insupportable. En 1998, faute de majorité nette en leur faveur, quelques notables de droite ont passé accord avec le Front national pour emporter les présidences et constituer des majorités de gestion avec l’extrême droite. Ce fut le prétexte pour changer la loi électorale. Le mode de scrutin que l’on connaît aujourd’hui, imaginé par le gouvernement Jospin, et voté par le PS, le RPR et l’UDF, avait pour but de minorer la représentation du FN. Ce qui fut le cas en 2004 et 2010. Mais en accordant une prime de 25 % à la liste arrivée en tête, ce mode de scrutin lui donne aujourd’hui possiblement les clefs de deux à trois régions, alors même que l’extrême droite n’y réuni pas la majorité des suffrages exprimés. Et c’est cette disposition qui oblige les listes PS, confrontées à cette éventualité, de se faire hara-kiri pour tenter de l’empêcher.

On savait déjà combien l’inversion du calendrier électoral voulu par Lionel Jospin (il s’agissait de reporter la date des élections législatives pour qu’elles se tiennent quelques semaines après la présidentielle, et non quelques semaines avant) avait dramatiquement renforcé le fait présidentiel et étouffé le débat à gauche. On découvre aujourd’hui les effets anti-démocratiques de la réforme du mode de scrutin régional du même Lionel Jospin. Il est plus que temps de songer à revoir le fonctionnement de nos institutions.

Politique
Temps de lecture : 14 minutes