La CPI propose de considérer les atteintes à la nature comme des « crimes contre l’humanité »
L’annonce de la procureure générale de la Cour pénale internationale a surpris mais ne fait peur ni à la Russie, ni aux États-Unis, ni à la Chine, ni à Israël…
La Cour pénale internationale (CPI) envisage sérieusement de considérer comme des crimes contre l’humanité les atteintes des armées, gouvernements et guérillas qui mettraient gravement en cause le milieu naturel en se livrant à des destructions de l’environnement et même des accaparements de terres, cultivables ou forestières, des extorsions de concessions minières ou des expulsions de peuples indigènes. Les responsables de ces crimes pourraient donc être traduits devant le Tribunal de La Haye, si cette nouvelle orientation était retenue.
Cette orientation vient d’être rendue publique par Fatouma Bensouda, l’avocate gambienne nommée en 2012 procureure générale de la CPI. Bien qu’approuvée par l’ensemble des membres de la Cour, cette décision ressemble pour l’instant à un vœu pieux. Certes, elle a emporté l’adhésion des 124 pays qui ont ratifié en 1998 les accords de Rome à l’origine de cette instance internationale dont les débats sont réputés s’éterniser des années. Mais ni les États-Unis, ni la Chine, ni l’Inde, ni la Russie, ni Israël n’ont ratifié le statut de Rome ; ils ne font donc pas partie de la CPI et ne reconnaissent pas sa juridiction.
Autre obstacle : le statut de la CPI et les conditions dans lesquelles une action peut être engagée contre un gouvernement ou un responsable politique dans des affaires liées à la nature et à l’environnement rendent les incriminations difficiles à fonder. Parmi les seize articles du statut de 1998, un seul fait très brièvement allusion aux questions environnementales pour autoriser le déclenchement d’une enquête puis la comparution d’un ou plusieurs accusés. Et il est rédigé de façon suffisamment floue et conditionnelle pour rendre un procès et un jugement pratiquement impossible.
En effet, rendrait possible d’une action de la Cour « le fait de lancer une attaque délibérée en sachant qu’elle causera incidemment des pertes en vies humaines et des blessures parmi la population civile, de dommages aux biens de caractère civil ou des dommages étendus, durables à l’environnement naturel qui seraient manifestement excessifs par rapport à l’ensemble de l’avantage militaire concret et direct attendu ». Qui décidera qu’un dommage est à la fois étendu et excessif ?
Malheureusement, le complément à cet article 8 qui prévoyait la saisine directe de la cour en cas « d’atteinte volontaire, étendue et à long terme à l’environnement naturel » a été refusé à une large majorité, mais à huis clos, par les nations participant à la conférence de Rome. L’annonce de Fatouma Bensouda risque de ne pas faire peur à grand monde, et notamment aux pays non-signataires dont le « palmarès » dans ce domaine est impressionnant…
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