Deliveroo : pas payé car « faux absent »

Hakim, « auto-entrepreneur » dans la start-up, livre des plats à vélo dans Paris. Compté absent alors qu’il travaillait, il a peiné à se faire payer.

Malika Butzbach  • 21 juin 2017
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Deliveroo : pas payé car « faux absent »
© photo : GEORGES GOBET / AFP

Il y a quelque semaine, Hakim*, coursier, s’était inscrit sur un shift (un créneau horaire préréservé) important : de 11 heures à 23 heures. Alors qu’il pensait être en retard, il prévient, via la plateforme, qu’il risque de ne pas pouvoir faire ses commandes du matin. Bug de l’algorithme ou lenteur de l’application, cela crée une « fausse absence » : alors que le jeune homme enchaîne les commandes, il est considéré comme absent. Il envoie plusieurs mails durant la journée entre deux coups de pédales, sans résultat. Bien qu’il ait travaillé et dégagé 250 euros dans la journée, Deliveroo lui annonce qu’il ne sera pas payé car absent ; il a travaillé hors de ses plages horaires. « Je ne suis pas sûr que ce soit légal de retenir la paye d’un prestataire alors que les prestations ont été correctement effectuées », déclare-t-il, amère.

De Madagascar à Paris

Hakim se déplace alors jusqu’au siège pour expliquer sa situation : « C’est un parcours du combattant là-bas pour parler à un responsable, témoigne le jeune homme. S’ils estiment que cela peut être réglé par mail, ils te renvoient. On te pose plein de questions : les filtres sont nombreux. »

Pour l’anecdote, les services techniques, vers lesquels les livreurs doivent se tourner en premier lieu, sont à Madagascar. Difficile de leur expliquer, par exemple, en quoi le trajet entre Opéra et Villejuif n’est pas faisable en moins de 30 minutes…

Un cas récurrent

« Tout est automatisé pour éviter les rapports humains », confirme Jérôme Pimot, ancien coursier et fondateur du Collectif des livreurs autonomes de Paris (Clap). « L’économie de ces start-up est construite pour précariser les travailleurs : le but est de les pressurer afin de gagner le moindre centime sur leurs dos. » Après deux visites au siège, Hakim finit par obtenir gain de cause : « Je pense que c’est parce que la somme concernée était assez importante, ils ont craqué. » Mais il n’est pas le seul dans ce cas : Jérôme Pimot assure que, sur les réseaux sociaux, ce genre de mésaventure est récurrent.

À lire  >> L’enquête d’Erwan Manac’h « La colère des “forçats du bitume” »

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