Vaccins : « On ne peut pas restaurer la confiance en passant par l’obligation ! »

Biologiste et auteur de l’ouvrage Le Racket des laboratoires pharmaceutiques. Et comment en sortir (Les Petits Matins, 2015), la députée européenne Michèle Rivasi s’insurge contre la volonté de la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, de rendre onze vaccins obligatoires.

Ingrid Merckx  • 16 juin 2017 abonné·es
Vaccins : « On ne peut pas restaurer la confiance en passant par l’obligation ! »
© photo : FRED TANNEAU / AFP

Comment comprenez-vous la première mesure annoncée dans Le Parisien par Agnès Buzyn, nouvelle ministre de la Santé, consistant à passer l’obligation vaccinale en France de trois vaccins (DTP : diphtérie, tétanos, poliomyélite) à onze : DTP + coqueluche, rougeole, oreillons, rubéole, hépatite B, bactérie Haemophilus Influenzae (Hib), pneumocoque, ménincoque C ?

C’est un scandale ! Nous sommes passés dans un État autoritaire qui fait fi de la responsabilisation des parents pour imposer onze vaccins obligatoires. Nous serons le seul pays d’Europe sur cette ligne quand tous les autres jouent la confiance. On entend répéter que les Français « ne veulent plus se faire vacciner », mais il faut se demander pourquoi ! Ils ne font pas confiance aux experts qui entretiennent des conflits d’intérêts avec les laboratoires. La ministre Agnès Buzyn a quand même déclaré qu’elle remettait en question le débat organisé par Marisol Touraine sur la vaccination, alors que c’était déjà un débat tronqué, en disant que la vaccination se situait « au-delà de la discussion », autrement dit : de son point de vue, la vaccination ne se discute pas. Pas question de demander l’avis des citoyens, Agnès Buzyn estime que, ministre dans un ministère régalien, si les laboratoires la poussent à rendre obligatoires onze vaccins, elle peut le faire.

Qu’est-ce qui a influencé cette décision ?

Dès la nomination d’Agnès Buzyn, j’avais pointé les risques de conflits d’intérêts : Agnès Buzyn avait été harponnée par la Cour des comptes qui lui reprochait de ne pas être suffisamment vigilante sur les experts qu’elle embauchait, parce que trop liés à l’industrie pharmaceutique. Elle-même est proche de ce milieu. Emmanuel Macron avait déjà limogé Jean-Jacques Mourad, cardiologue proche du laboratoire Servier… Les conflits d’intérêts risquent de se répéter dans cette équipe. Le problème n’est pas de savoir s’il faut se vacciner contre telle ou telle maladie mais de restaurer la confiance des Français en la vaccination. Et cela ne peut pas passer par l’obligation. Il faut d’abord faire du ménage chez les experts qui décident du calendrier vaccinal au sein du comité technique de la vaccination. Le problème de leur indépendance n’est même pas abordé. Pas plus que les études épidémiologiques sur les rapports coût-bénéfice-risques de la vaccination. Cette décision de passer la vaccination obligatoire à onze vaccins c’est le jackpot pour l’industrie pharmaceutique. Il suffit pour le mesurer de multiplier onze vaccins par le nombre de naissances…

Cette décision intervient alors que la France est déjà depuis deux ou trois ans dans une situation d’obligation vaccinale par défaut du fait d’une pénurie de vaccins…

Cette pénurie est organisée ! L’Infanrix trivalent, qui protège contre la diphtérie, le tétanos, et la polio, n’est plus disponible alors qu’il est obligatoire ! Le pentavalent (DTP + Hib + coqueluche) non plus. Ne reste que l’hexavalent (DTP + HIB + coqueluche + hépatite B) ce qui fait que les jeunes parents sont contraints de vacciner leur nourrisson contre six maladies, dont l’hépatite B. Sans compter qu’on passe alors d’un coût de 7 euros pour le trivalent à 40 environ pour l’hexavalent. Somme remboursée par l’Assurance maladie… L’Infanrix est fabriqué à Lyon : si Sanofi et Glaxo Smith Kline qui le commercialisent voulaient produire une ligne de tétravalents (14 euros) on les aurait demain. Les laboratoires jouent sur la peur et la culpabilisation des jeunes parents. Avec onze vaccins, leur jackpot avec l’hexavalent va quintupler.

Parmi ces onze vaccins qui pourraient devenir obligatoires, lesquels vous paraissent les plus problématiques ?

Celui contre l’hépatite B, qui est une maladie sexuellement transmissible, donc sans urgence pour les nourrissons. Faut-il vraiment se vacciner contre toutes les maladies ? Je suis sensible à la question de l’épidémie de rougeole : mais, dans ce cas, plutôt recommander la vaccination – « ce serait plus sûr pour votre enfant et votre santé » – que de la rendre obligatoire et ce, pendant une durée d’un an avant un bilan d’évolution. Onze vaccins obligatoires, c’est près de trente vaccins en tout avec les rappels pour les enfants. De quoi faire baisser leurs défenses immunitaires… Le vaccin est un sujet tabou en France. Le débat est confisqué.