À peine discuté, l’état d’urgence est prolongé

L’Assemblée nationale a approuvé la prorogation de l’état d’urgence, après un parcours parlementaire dangereusement hâtif.

Hugo Boursier  • 6 juillet 2017 abonné·es
À peine discuté, l’état d’urgence est prolongé
© Photo : Zakaria ABDELKAFI / AFP

La sixième prorogation de l’état d’urgence depuis le 26 novembre 2015 a été adoptée par les députés à l’Assemblée nationale ce jeudi 6 juillet. Sur les 150 suffrages exprimés, 137 ont été favorables à ce premier point du projet de lutte contre le terrorisme, présenté par le ministre de l’Intérieur, Gérard Collomb.

Cet « état d’exception » durera donc jusqu’au 1er novembre 2017, le temps de le remplacer par une nouvelle loi antiterroriste ; c’est le second point du projet. Il consiste à faire entrer dans le droit commun quelques-uns des articles de l’état d’urgence, comme la création de « périmètres de protection » – avec la participation si besoin d’agents de sécurité privés –, la fermeture de lieux de culte soupçonnés d’accueillir des personnes tenant des propos incitant à la commission d’actes terroristes, des interdictions de circulation, et l’autorisation de perquisitions administratives – y compris la nuit – avec l’accord préalable d’un juge judiciaire. Toutes ces mesures sont prises à l’initiative du préfet.

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Trois autres mesures sont présentes dans cette du partie projet de loi : l’inscription dans un fichier européen les données des passagers aériens et maritimes (le « Passenger Name Record »), la possibilité d’écoutes hertziennes, ainsi qu’un cadre plus large concernant le contrôle aux frontières.

Une prorogation sur l’état d’urgence… discutée en urgence

Les trois séances publiques de ce jeudi s’inscrivent dans un parcours parlementaire placé sous procédure accélérée. Après la présentation du projet de loi le 21 juin en Conseil des ministres, le texte a été transmis le lendemain au Sénat, adopté par ce dernier une dizaine de jours plus tard, puis par l’Assemblée ce jeudi 6 juillet. La rapidité des débats était telle que plusieurs députés se sont plaints, lors du vote final, de ne pas avoir eu le temps d’appuyer sur le bouton…

Premièrement débattu en commission des lois mercredi 5 juillet, Raphaël Schellenberger (Les Républicains), enjoint par Ugo Bernalicis (France insoumise), a critiqué cette précipitation, au regard de l’importance du texte. Ils ont aussi regretté l’absence du ministre de l’Intérieur lors de cette réunion. Ugo Bernalicis a réitéré son propos à l’Assemblée ce jeudi 6 juillet, au cours d’un discours, le seul véritablement d’opposition, qui défendait la motion de rejet préalable déposée par son groupe :

Les prises de paroles se sont faites devant une Assemblée toujours plus clairsemée au fil de la matinée. La première image est une capture d’écran prise vers 10 heures, ce matin…

© Politis

La seconde lors de la prise de parole de Danièle Obono (FI), une heure et demie plus tard…

© Politis

Plaidoyer pour le sécuritaire

J’essaierai, en tant que ministre de l’Intérieur, comme lorsque j’étais maire de Lyon, de rassembler largement notre société, parce que c’est comme cela qu’on avance

Le débat contradictoire était rare lors de ces séances. Tous les groupes sont favorables à cette prorogation, sauf ceux de la FI et de la Gauche démocrate et républicaine, constitué aux deux tiers de députés communistes. Alors qu’Olivier Dussopt, député du groupe de la Nouvelle Gauche (intitulé que se sont choisi les élus du PS), « partage la volonté du gouvernement », Éric Ciotti des Républicains est celui qui dépose le plus d’amendements, non seulement pour durcir le caractère liberticide de l’état d’urgence, mais aussi pour allonger sa durée, « jusqu’au 1er juillet 2018 », a-t-il proposé. Lors de son allocution finale, Gérard Collomb ose :

Une bienveillance qui ne ressemble pas vraiment à la réalité des faits.