Des déclarations trop universelles

Si la France est présente sur tant de continents, c’est parce qu’elle y a perpétré, sous couvert de son universalisme, des conquêtes coloniales.

Sébastien Fontenelle  • 18 octobre 2017 abonné·es
Des déclarations trop universelles
© photo : Philippe LOPEZ / AFP

L’autre jour, Jean-Luc Mélenchon (JLM) a encore fait une crispante déclaration – qui se situait dans le droit fil (et la continuation) de celles, relatives par exemple à notre looooongue frontière (guyanaise) avec le Brésil, dont il avait l’an dernier jalonné sa si cocardière campagne [1].

« La France », a-t-il expliqué dans le cours d’un discours sur l’avenir de l’Europe, « n’est ni occidentale, ni européenne : elle est universaliste, parce qu’elle est présente sur les cinq continents ».

JLM, il faut y insister un peu, déduit donc du fait « qu’elle est présente sur les cinq continents » que la France – vazy, balance le jingle avec les trompes de chasse – est « universaliste » : un adjectif dont certains segments de la gauche hexagonale se sont toujours fait, comme on sait, de longs gargarismes [2].

Mais en réalité, si la France, nonobstant que des indigénats chicaniers lui ont, au siècle dernier, brutalement repris l’Algérie et l’Annam [3], est encore présente (beaucoup plus petitement tout de même que ne le suggèrent certains bruyants cocoricos) sur tant de continents : c’est parce qu’elle a perpétré partout dans le monde – on éprouve un peu de gêne à devoir rappeler cette évidence – l’immense prédation que furent, sous l’éventuel couvert, déjà, de l’exportation de son universalisme, ses conquêtes coloniales.

Et si l’on excepte les tas de cailloux qu’elle appelle si solennellement ses « terres australes et antarctiques » (mais où du moins son empiètement ne lèse guère que des goélands), ses dernières possessions, ultimes vestiges de son vieux règne planétaire, lui sont toutes venues de cette colonisation par définition dégueulasse – demande aux Amérindien.ne.s [4] s’ils ont vraiment oublié le massacre des Caraïbes –, dont le souvenir ne s’est heureusement pas perdu pour tout le monde, puisque de fortes revendications indépendantistes, de la Guadeloupe à la Kanaky, s’y font encore entendre.

Dans ces conditions, l’affirmation selon laquelle les territoires ainsi volés labelliseraient au fond une qualité française est si formidablement extravagante, qu’on se prend à ne point trop regretter que celui qui la dit ait finalement fait le choix de démissionner, pour cause de Valls, de la mission parlementaire sur l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie – car il n’est pas complètement sûr que tout le monde là-bas goûte certaines déclarations un peu trop universelles.

[1] Mais putain, Politis, vous dites encore du mal de Jean-Luc – aaaaalléééééluuuuuiaaaaa –, alors que toujours pas un mot, jamais, nulle part, sur l’impérialisme yanqui, tu veux vraiment que je me désabonne, ou quoi ?

[2] Jusque dans des moments où il était asservi à la justification de très (très, très) sales menées.

[3] Liste non exhaustive.

[4] Fais-moi penser qu’il faut qu’on se reparle un de ces jeudis de l’espèce de démence qui s’est dans les derniers jours emparée de la presse dominante, lorsqu’elle a découvert l’écriture inclusive.

Publié dans
De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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