Gendarme en 2018

Le gendarme n’est donc pas qu’un robot en uniforme. Il peut être vil, il est parfois superbe.

Pouria Amirshahi  • 28 mars 2018
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Gendarme en 2018
© photo : BERTRAND GUAY / AFP

Côté pile. Beauty avait 31 ans et souffrait d’un lymphome. Elle était enceinte de six mois. Son périple, dramatique comme celui de tous les migrants d’aujourd’hui, l’a conduite du Nigeria à l’Italie. Avec son mari, elle s’apprêtait à venir en France pour rejoindre sa sœur, mais voilà, les gendarmes l’ont bloquée à la frontière puis laissée en pleine nuit devant la gare de Bardonecchia. Leur enfant, Israël, est né grand prématuré et elle, elle est morte. Beauty a été rejetée au seuil d’une vie nouvelle possible.

D’autres migrants aujourd’hui sont pourchassés et des citoyens sont poursuivis pour les avoir secourus. Il existe donc des gendarmes, et plus largement des gardiens de la paix, qui, non contents parfois de faire la sale besogne, en rajoutent aussi dans l’ignominie et le déshonneur. Il en est ainsi également lorsque des violences racistes ont lieu.

Côté face. Le gendarme Beltrame est décédé. Ce qui provoque une émotion particulière, ce n’est pas seulement qu’il soit mort assassiné – c’est malheureusement un risque (le mot est faible) du métier –, mais qu’il soit mort en martyr républicain, en quelque sorte. Donner sa vie pour tenter d’en sauver d’autres, qui aurait ce geste superbe et désarmant de nos jours ? « Mourir d’innocence est semble-t-il la pire des injustices du destin », semblait dire au terroriste Radouane Lakdim le gendarme Arnaud Beltrame. Et on devine encore plus la bonté de cet homme en pensant qu’il espérait, ce disant, en convaincre même un esprit criminel. La puissance théâtrale de la funeste scène de Trèbes accroît le message universel qui s’en est dégagé. Il s’adresse à nous tous.

L’ordre est certes régi par la loi ; le gardien de la paix a certes une hiérarchie. Mais il reste malgré tout, en tout acte, la part de la femme ou de l’homme qui agit, son éthique personnelle, ontologique. Le gendarme n’est donc pas qu’un robot en uniforme. Il peut être vil, il est parfois superbe. Souvent capables de nous indigner après des violences policières, nous sommes tout autant pris de respect pour tous les Beltrame. Et nous le disons aussi.

Edito Pouria Amirshahi
Temps de lecture : 2 minutes
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