NDDL : Zone à détruire

L’opération déclenchée lundi 9 avril révèle la duplicité de l’État, qui a feint la discussion sur les projets agricoles des zadistes.

Vanina Delmas  • 11 avril 2018 abonné·es
NDDL : Zone à détruire
© photo : Intervention violente des CRS, lundi 9 avril, sur la ZAD.LOIC VENANCE/AFP

Les Planchettes, le Lama fâché, Youpiyoupi, Jessie James, Phare ouest, la Chèvrerie, les 100 Noms… La liste des lieux de vie expulsés par les forces de l’ordre et détruits par les pelleteuses s’est allongée au fil des heures, après le début de « l’opération d’expulsion » qui a débuté à 6 heures ce lundi 9 avril. Mardi en milieu de journée, on dénombrait déjà 6 blessés parmi les zadistes, et 3 chez les gendarmes. Le face-à-face entre les 2 500 gendarmes mobiles et les habitants de la ZAD avait débuté dès 3 heures du matin, éclairé par les lampes frontales et noyé dans les gaz lacrymogènes. Les journalistes sur place ont raconté leurs difficultés à accéder aux zones concernées. Ils étaient invités à utiliser les photos et vidéos de l’opération réalisées par la gendarmerie nationale. Une certaine idée de la liberté d’informer.

Nicole Klein, la préfète de Loire-Atlantique, a affirmé que le premier critère était la proximité avec la RD 281, la « route des Chicanes ». Avant d’ajouter qu’il était possible d’aller un peu plus loin dans les terres. Lundi, la représentante de l’État n’a cessé d’arguer du « refus de certains individus de rentrer dans l’État de droit », affirmant expulser « avec discernement » ceux « qui n’ont pas de projet agricole ». Hypocrisie flagrante à la vue des images de la destruction des 100 Noms, où se dessinait un projet agricole, d’habitat et de forêt. Mardi, elle déclarait « plus ça va aller, plus ça va être compliqué», et le ministre de l’Intérieur d’ajouter que l’opération pourrait durer toute la semaine.

Amalia, l’une des bergère de la ZAD, a résisté jusqu’au dernier moment, réfugiée avec douze autres personnes sur le toit du grand hangar abritant la bergerie du lieu. « C’est typiquement le lieu qu’on imaginait entrer dans les projets correspondant aux discussions tenues par la préfecture. Mais elle nous demande de faire les démarches en dix jours alors que la demande à la MSA (1) met déjà trois semaines ! Ils nous laissent de faux choix. » Le processus était en cours mais pas encore finalisé. Pourtant, la première déclaration de résidence principale remonte à cinq ans. Fin mars, une demande collective de rendez-vous a été déposée auprès de la MSA pour envisager une régularisation. Et un projet agricole a été transmis à la préfecture. Toutes ces démarches, attestées par des recommandés-accusés de réception, auraient dû, en État de droit, protéger les habitants de la brutale opération. « On nous a dit : “Vous avez dix minutes pour prendre vos affaires” !, témoigne l’un d’entre eux. Lhuissier n’avait même pas de document officiel à nous présenter… »

Une chaîne humaine s’est tissée autour de la maison. En vain. Une résistance « non-violente et pugnace », selon Geneviève Coiffard, soutien indéfectible de la ZAD. Cette militante d’Attac s’indigne de la disproportion des moyens déployés : « Leur stratégie ? L’écrasement par le nombre ! Ils cernent la route et les champs, ils nassent, font les sommations puis chargent. Depuis l’opération César de 2012, ils ont eu le temps d’étudier le terrain dans le détail. » Zone à défendre pour les uns, zone à détruire pour les autres. Mais solidarité unanime des différentes composantes de la ZAD : l’Acipa, Copain44, les naturalistes en lutte, les architectes et urbanistes… « Maintenant qu’ils ont détruit un lieu collectif comme les 100 Noms, nous ne savons même plus quels sites seront préservés ou démolis, s’alarme Mickaël, boulanger aux Fosses noires. Ils ont annoncé en viser une quarantaine, alors jusqu’où iront-ils ? » Les appels à se mobiliser partout en France et à converger vers le bocage se sont multipliés pour renforcer la résistance.

(1) Sécurité sociale agricole.

Écologie
Temps de lecture : 3 minutes

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