Yann Frisch, cartes sur table

Yann Frisch s’éloigne du clown pour revisiter la figure du magicien.

Anaïs Heluin  • 25 avril 2018 abonné·es
Yann Frisch, cartes sur table
© photo : Christophe Raynaud de Lage

Méconnaissable. Dans son costume au charme désuet, avec un sourire charmeur et des plaisanteries en guise de bienvenue, Yann Frisch n’a plus rien à voir avec le sombre personnage qu’il incarnait dans Le Syndrome de Cassandre (2015). Soit un clown au nez noir et à l’air hagard, un curieux traîne-savates tragicomique enfermé dans une boîte noire. Dans Le Paradoxe de Georges, créé en mars dans le cadre de Spring, festival des nouvelles formes de cirque en Normandie, le magicien multiprimé se rapproche de l’imagerie classique du prestidigitateur au point de construire son spectacle autour d’un des accessoires de base de la magie moderne, la carte à jouer.

Entre spectacle d’illusionnisme et conférence, Yann Frisch offre à cet objet délaissé par la magie d’aujourd’hui une vie nouvelle. D’emblée, sa parole surprend. Pourquoi se déplacer, et en plus payer, pour se faire entuber ? Yann Frisch questionne et place ainsi son rapport au spectateur sous le signe du trouble. L’air de rien, sur le ton du bavardage, il parle de la croyance des uns et de l’incrédulité des autres. Et voilà que la philosophie s’invite autour de la table où il enchaîne les tours avec une déconcertante dextérité. Le titre du spectacle s’éclaire.

Non, le jeune gars qui nous mène en bateau – ou plutôt en camion, car le spectacle a été créé pour être joué dans un véhicule – n’est pas le héros éponyme de son propre spectacle. Ce prénom, c’est celui de George Edward Moore, un des fondateurs de la philosophie analytique, tombé dans l’oubli hors des cercles de spécialistes. Mais resté célèbre parmi eux pour l’examen du paradoxe qui porte son nom depuis, celui que contient une phrase telle que : « Il pleut dehors, mais je ne crois pas qu’il pleuve. » Le parallèle avec la magie est évident. Yann Frisch s’en délecte en maniant les cartes autant que les mots, non sans une certaine noirceur.

Le Paradoxe de Georges, du 2 au 30 mai au Théâtre du Rond-Point, 75008 Paris, 01 44 95 98 00. Le reste de la tournée sur yannfrisch.org

Théâtre
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