Attention : un mensonge peut en cacher un autre

Agnès Buzyn proclame qu’il serait scandaleux de « s’en prendre à un hôpital », mais œuvre à une énième « réforme ».

Sébastien Fontenelle  • 8 mai 2019 abonné·es
Attention : un mensonge peut en cacher un autre
© crédit photo : KENZO TRIBOUILLARD / AFP

Mercredi dernier (1er mai 2019), Christophe Castaner, ministre de l’Intérieur d’Emmanuel Macron, chez qui ce trait comportemental semble donc être un peu saillant (car ce n’est certes pas la première fois qu’il énonce des contrevérités), a encore menti lorsqu’il a déclaré que « des gens » avaient « attaqué » à Paris l’hôpital public de la Pitié-Salpêtrière, puis twitté, juste après, que ces manifestant·e·s avaient au surplus « agressé son personnel soignant ».

L’objectivité commande cependant de ne point trop accabler M. Castaner et de lui concéder qu’il n’était pas seul, dans ce moment de grand égarement, à bonimenter.

Puisqu’en effet Agnès Buzyn, ministre de la Santé d’Emmanuel Macron, a menti, elle aussi, lorsqu’elle a également soutenu que cet établissement avait été pris « pour cible » – avant d’ajouter : « S’en prendre à un hôpital est inqualifiable. »

Ne pas s’y tromper, cependant : le mensonge, ici, n’est pas tant dans l’invention d’un assaut dont nous avons très vite eu confirmation qu’il n’avait jamais eu lieu (1) que dans la suggestion, induite par leurs vitupérations, qu’Agnès Buzyn et Christophe Castaner auraient le souci de protéger l’hôpital public contre d’éventuelles attaques, et ses employé·e·s contre de possibles agressions.

Car, dans la réalité, cela fait par exemple plus de quinze jours que les personnels de vingt-cinq services d’urgences de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris sont en grève illimitée pour réclamer une augmentation de leurs salaires et une amélioration de leurs conditions de travail, incroyablement dégradées. Et pour dénoncer, en particulier, un manque d’effectifs soignants qui les confronte à une agressivité exacerbée des usagers et met en danger leurs patient·e·s, car la saturation de ces services « augmente considérablement les risques d’erreurs médicales et use les équipes (2) ».

Mais de cette souffrance Agnès Buzyn n’a cure – et pour cause : dans le même temps qu’elle proclame (à raison) qu’il serait scandaleux de « s’en prendre à un hôpital », elle œuvre à la confection d’une énième « réforme » sous le couvert de laquelle des urgences seront évidemment fermées – au prétexte, habituel en de telles circonstances, d’une « réorganisation » des hôpitaux.

Et quant à Christophe Castaner, la perspective de cette casse annoncée de certains services hospitaliers de proximité le laisse, semble-t-il, complètement impavide : au jour où ces lignes sont écrites, il ne s’est toujours pas offusqué de cette attaque en règle – et ne semble donc pas envisager du tout de lancer ses troupes policières contre le ministère de la Santé.


(1) Et que les prétendus assaillant·e·s fuyaient en réalité une brutalité policière qui est devenue un marqueur du règne de M. Macron, mais dont nous ne devons jamais oublier que c’est sous celui de MM. Hollande et Valls qu’elle a d’abord été libérée.

(2) Le Monde, 13 avril 2019.

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De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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