Elise, institutrice et directrice : « Blanquer ne s’adresse pas à nous, mais au grand public »
Récit d’une rentrée pas comme les autres, par celles et ceux qui en ont la charge. Élise, institutrice et directrice d’une école élémentaire en zone d’éducation prioritaire dans le Lot-et-Garonne, nous raconte le déroulement de cette semaine particulière. Témoignage (1/6).
Parler de cette reprise, pour Élise (1), c’est d’abord « comprendre que la chaîne d’information ne fonctionne plus : nous avons un ministre qui ne s’adresse pas à nous, mais au grand public ». Durant le confinement, « nous n’avons quasiment reçu aucun texte officiel, ni directive. Nous étions suspendus aux annonces lâchées dans les médias ». Alors le personnel pédagogique s’est organisé lui-même. « Face aux empêchements du “télé-enseignement”, et alors que les enfants d’au moins soixante familles de l’école étaient complètement déconnectés, ce sont les professeur·es qui ont photocopié et livré les cours dans les boîtes aux lettres des élèves. » Lorsque la rentrée a été annoncée contre l’avis du conseil scientifique, « il était clair que la publication du protocole sanitaire ne visait qu’à rassurer les parents puisque dans la réalité il est inapplicable ». D’ailleurs, « il n’y a eu aucun dispositif de contrôle ». Et pour cause, « quel intérêt y a-t-il à contrôler ce qui ne peut être mis en place ? »
« Les objectifs fixés » sont-ils vraiment « remplis » comme l’affirme Jean-Michel Blanquer ? Selon lui, 1,4 million de jeunes élèves sont retournés à l'école et près de 4 000 collèges, en « zone verte », ont rouverts leurs portes (2). Des chiffres contrastés par la fermeture de plusieurs dizaines d'établissements suite à la découverte de cas porteurs du virus, et l'amer constat des personnels pédagogique : ce ne sont pas les élèves les plus en difficulté sociale et scolaire qui reviennent.
Ici, « très peu d’élèves sont revenus en classe. Malheureusement, ce ne sont pas celles et ceux qui en auraient eu le plus besoin, mais ceux dont les parents ont dû reprendre le travail. Nous n’avons pas réussi à convaincre ». Et après deux jours d’école « pénibles et tristes », au moins deux élèves, sur une petite vingtaine, ne reviendront plus, affirme la directrice. « Pourtant, c’est sûr, nous allons devoir nous habituer_. Nous espérons toutefois que le protocole sera allégé. Pour qu’il colle davantage à la réalité de ce qu’il est possible de faire avec de si jeunes enfants, et_ que l’on ne soit pas dans la maltraitance_. »_
(1) Le prénom a été changé
(2) Si Blanquer assure que 90% des établissements du premier degré ont rouvert, une enquête du SNUipp-FSU, syndicat majoritaire du premier degré, évoque une réouverture de 70% d’entre eux.
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