Les salariés précaires demandent les mêmes aides que les intermittents du spectacle

Le confinement et la réforme de l’assurance-chômage ont durement pénalisé les salariés intermittents de l’hôtellerie, la restauration, l’événementiel, le tourisme. Quatorze associations demandent la même prolongation des droits chômage que celle obtenue par les intermittents du spectacle.

Erwan Manac'h  • 30 juin 2020
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Les salariés précaires demandent les mêmes aides que les intermittents du spectacle
© Photo : Alain Pitton / NurPhoto / NurPhoto via AFP

Onze parlementaires étaient, ce mardi matin, réunis dans un café proche de l’Assemblée nationale, à l’invitation d’un collectif de 14 organisations de chômeurs et précaires*, pour tenter d’amplifier une mobilisation qui peine à se faire entendre. Sous le double coup de l’arrêt brutal de l’économie et d’une réforme du chômage qui durcit les conditions d’ouverture de leurs droits et réduit leurs allocations, les 2,2 millions de Français qui cumulent un emploi avec du chômage (catégories B et C de Pôle emploi) figurent parmi les grands oubliés des mesures anti-crises.

Les 122 000 intermittents du spectacle indemnisés par Pôle emploi ont, eux, rapidement obtenu une « année blanche », qui reporte automatiquement leurs droits d’un an, afin qu’ils ne pâtissent pas des annulations de manifestations culturelles. Mais pour tous les autres métiers discontinus, dans l’hôtellerie restauration, l’événementiel, le tourisme, etc., aucune solution spécifique n’a été déployée pour amortir l’arrêt brutal de l’activité. « Le gouvernement a de la considération pour les artistes, ceux qui, comme moi, jouent Tchekhov, mais ignore tou·te·s celles et ceux qui travaillent dans les services et qui, paradoxalement, sont souvent à son service », dénonce Samuel Churin, de la Coordination des intermittents et précaires.

« Notre travail est, et restera, extrêmement aléatoire »

Une quinzaine d’organisations d’univers professionnels très différents étaient réunies ce 30 juin autour d’un « manifeste pour une autre réforme du chômage ». Elles demandent le retrait de la réforme qui doit entrer complètement en vigueur en janvier et l’extension à toutes les personnes en « emploi discontinu » de l’année blanche accordée aux intermittents du spectacle.

« Nous avons bénéficié d’un mois de prolongation automatique des droits, mais depuis début juin, certains collèges n’ont plus aucune source de revenus », s’inquiète Marie Le Nestour, directrice logistique dans l’événementiel, qui a vu tous ses contrats annulés depuis la fin février. « Notre travail est, et restera, extrêmement aléatoire », souligne Yolanda Rondo, conférencière et guide depuis trente ans, sans aucun revenu depuis l’épuisement de ses droits, en janvier 2020.

Tous s’accordent sur la nécessité d’amplifier un mouvement unitaire regroupant les différents corps de métier. Samuel Churin propose de réitérer l’expérience d’un « comité de suivi » politique, regroupant des personnes concernées et des parlementaires de tous les bords, comme en 2003 lors du mouvement victorieux des intermittents du spectacle. Sa proposition a rencontré un écho favorable parmi les parlementaires présents.

La situation est néanmoins différente aujourd’hui, car les intermittents du spectacle, qui ont la plus grande capacité à se mobiliser et à se faire entendre, ont rapidement obtenu gain de cause. Ce sera beaucoup plus difficile pour les autres catégories de chômeurs et précaires. « Si nous étions des millions de chômeurs dans les rues, le débat sur l’assurance-chômage serait bien différent », regrette Pierre-Édouard Magnan, du Mouvement national des chômeurs et précaires. Les prochaines semaines doivent donc être selon lui dédiées à la construction d’un « rapport de forces » sur le sujet.

Mise à jour : A 16h, une délégation menée par le Collectif des précaires de l’Hôtellerie – Restauration et Événementiel et Samuel Churin était finalement reçu par Marc Ferracci, conseiller spécial de Muriel Penicaud, ministre du travail.

Lire > Plaidoyer pour l’annulation de la réforme du chômage{: target= »_blank » style= »line-height: 1.42857; background-color: rgb(255, 255, 255); » }

> 
La macronie sacrifie les chômeurs

> Régime de choc et recul des droits

Voici la liste des parlementaires présents : Députés : Marie-George Buffet (PCF), Laurence Dumont (PS), Elsa Faucillon (PCF), Jérôme Lambert (PS), George Pau-Langevin (PS), Jean Lassalle, Mathilde Panot (LFI), Agnès Thill (UDI), Michèle Victory (PS). Sénateurs : Monique Lubin (PS), Pascal Savoldelli (PCF).

  • Les organisations membres du collectif : Collectif des Précaires de l’Hôtellerie Restauration (CPHRE), Collectif Les Gens Du Spectale (LGDS), Collectif Luttons Pour ne Pas Mourir (LPPM), Collectif Les Artisans Des Spectacles (ADS), Collectif des artistes auteurs indépendants pour une intermittence des arts & des lettres, le Collectif Les Matermittentes (LCLM), Coordination Nationale des Intermittents et Précaires (CNIP), Mouvement National des Chômeurs et Précaires (MNCP), Fédération des Guides Interprètes-Paca (FGI-PACA), Fédération des Métiers Intermittents du Tourisme de l’Événementiel et de la Culture (FMITEC), Fédération Nationale des Guides Interprètes et Conférenciers (FNGIC), Association Freelances de l’Evénementiel, Association des Speakers et Maîtres de Cérémonies (ASMC), Syndicat independants.co.
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