La Bourse ou nos vies ?

Ce président et son second n’ont en réalité aucune intention d’assurer dans cette crise notre sécurité.

Sébastien Fontenelle  • 16 septembre 2020 abonné·es
La Bourse ou nos vies ?
© Ludovic Marin / AFP / POOL

Au mitan de la semaine dernière, quand les alertes relatives à la « progression exponentielle » de l’épidémie de Covid-19 sont devenues si alarmantes qu’il lui était impossible de continuer à faire comme s’il ne les entendait pas, Emmanuel Macron, chef de l’État français, a « promis des décisions pour » le « vendredi » 11 septembre.

Et ce jour-là, Jean Castex, Premier ministre, a déclaré – en substance – qu’en effet il y avait un rebond de cette épidémie et qu’il convenait par conséquent de faire attention, parce qu’il y avait un rebond de cette épidémie, alors attention. (Parce qu’il y a un rebond.)

Oyant cela, d’aucun·es – qui ont gardé le souvenir de la détermination dont a tout récemment fait preuve le même Jean Castex quand il a répété en bougeant les deltoïdes qu’il allait coûte que coûte « faire la réforme des retraites » – ont trouvé que c’était un peu spongieux et constaté qu’en somme sa seule décision était de n’en prendre aucune (1).

Mais cela n’a rien d’étonnant, car ce président et son second n’ont en réalité aucune intention d’assurer dans cette crise notre sécurité – qui ces jours-ci n’est pas du tout menacée (2) par de prétendues hausses de la criminalité et de la délinquance, mais bien plutôt, et très directement, et très gravement, par le coronavirus dont ils n’ont, depuis plus d’un semestre, pas stoppé la propagation.

Non par impuissance, bien sûr : ils montrent partout ailleurs, et ce samedi encore dans la répression des manifestations parisiennes, qu’ils savent se montrer fermes – ou plus nettement oppressifs – lorsque cela sert leur agenda. Mais parce qu’ils savent que l’endiguement de l’épidémie passe nécessairement par des mesures contraires aux intérêts de leurs clientèles électorales et de leurs mandants patronaux – dont le porte-parole, Geoffroy Roux de Bézieux, vient encore, comme j’écrivais ces lignes, de brailler sur France Inter que, « si on reconfine, on assistera à un effondrement de l’économie ». (Alors que, si on expose les salarié·es à une possible contamination dans les transports en commun et sur leur lieu de travail, on assistera à un boom du dividende.)

De sorte que, au lieu de financer quelques élémentaires mesures prophylactiques (par exemple, parmi tant d’autres, la distribution de masques aux profs, à leurs élèves, à leurs étudiant·es et aux personnels administratifs et techniques des établissements scolaires et universitaires), les chefs de l’État et du gouvernement continueront à distribuer des centaines de milliards d’euros aux entreprises sans jamais exiger d’elles la moindre contrepartie, environnementale, par exemple – puisque là non plus, il n’est pas question pour eux de nous protéger : un peu comme si la Bourse valait bien qu’on prenne le risque de lui sacrifier quelques-unes de nos vies.

(1) Et que ses appels au civisme étaient évidemment une façon de faire peser sur ses administré·es la responsabilité d’une catastrophe sanitaire annoncée.

(2) Comme ils le suggèrent ou le prétendent depuis le début de la fin de l’été pour appâter le chaland péniste.

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De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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