Relance : Un plan de continuité

La masse d’argent public que le gouvernement prévoit de déverser le sera sans condition. Comme par le passé.

Michel Soudais  • 2 septembre 2020 abonné·es
Relance : Un plan de continuité
Le Premier ministre, Jean Castex, à l’université d’été du Medef, le 26 août.
© GONZALO FUENTES/POOL/AFP

Nécessaire pour enrayer la crise économique causée par la pandémie de Covid-19, répondre à l’accroissement de la précarité sociale qu’elle génère, et opérer la transition écologique que réclame le changement climatique, le plan de relance n’est plus guère une priorité politique pour le gouvernement. Sous la pression de l’opposition de droite et des chaînes d’info qui en ont fait leur miel, l’exécutif, Emmanuel Macron en tête, multiplie les déclarations sur une prétendue « banalisation de la violence » qui se serait « accélérée à la sortie du confinement » et la nécessaire restauration de « l’ordre républicain ». Le chef de l’État devrait s’exprimer à nouveau sur le sujet ce vendredi et a prévu de mettre ces questions de « sécurité et de justice » au menu du séminaire gouvernemental du 9 septembre. Plusieurs sondages indiquent pourtant que ce sujet préoccupe moins les Français que l’emploi, la santé, l’environnement ou le pouvoir d’achat.

C’est à ces préoccupations que devrait répondre le plan de relance économique du gouvernement annoncé depuis des mois. Initialement annoncé pour le 25 août, repoussé de quelques jours, dans un contexte d’accélération de la circulation du virus, il devrait enfin être détaillé ce jeudi par le Premier ministre. Mais, étonnement, Jean Castex a prévu de le faire dans la matinale de RTL. En choisissant de s’adresser ainsi à un large public sur une radio d’audience populaire, il compte sans doute moins s’appesantir sur les détails de son plan que répondre aux critiques que celui-ci suscite déjà depuis la présentation très pro-business qu’il en a faite devant le Medef de son « cher Geoffroy » Roux de Bézieux. Le Premier ministre y a assumé privilégier une « relance par l’offre et l’investissement » plutôt que par la demande, qui n’aurait pas besoin d’être soutenue puisque, selon lui, « les revenus des ménages ont été préservés dans la crise » et « la consommation est repartie après le confinement ».

La plus grosse partie de ce plan, d’un montant total de 100 milliards d’euros, ira donc aux entreprises. Dont 40 milliards d’euros consacrés à la réindustrialisation du pays, montant qui intègre notamment la baisse des impôts de production de 20 milliards d’euros sur deux ans (10 milliards en 2021 et 10 milliards en 2022). Jean Castex y a ajouté d’autres « bonnes nouvelles » pour les patrons : poursuite de la baisse de l’impôt sur les sociétés, annonce d’une refonte de la « fiscalité foncière punitive » pour notre industrie, pérennisation des assouplissements réglementaires de toute nature édictés pendant la crise… Un vrai Noël en août.

S’y ajoutent 3 milliards d’euros de soutien aux fonds propres des entreprises en difficulté, par exemple via l’évolution du prêt garanti par l’État (PGE) en prêt participatif, et un milliard consacré au financement d’appels à projets pour les industriels qui souhaiteraient relocaliser certaines productions. Mais encore une partie des 30 milliards consacrés à la transition écologique avec trois secteurs jugés « prioritaires » : la rénovation énergétique avec 4 à 5 milliards affectés au bâtiment et à la rénovation thermique, en particulier des écoles et des Ehpad, le rail et l’énergie, avec notamment 400 millions pour la filière nucléaire ! Enfin, pour « soutenir les compétences », outre les 2 milliards annoncés en faveur du secteur culturel (voir encadré), le plan prévoit 6,5 milliards d’euros de mesures de soutien à l’emploi des jeunes.

Même le pilier « solidarité » du plan, qui comprend 6 milliards d’euros « de soutien supplémentaire en investissement » dans le système de santé et quelques mesures de soutien aux plus défavorisés et au pouvoir d’achat comme les futures aides à la dépendance, aux territoires, intègre des mesures de stimulation de l’intéressement dans les entreprises.

« C’est un plan de continuité des aides aux entreprises, des exonérations de cotisation, des suppressions d’impôts pour les entreprises », souligne le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez. Cette absence de conditionnalité et de contrôle dans l’usage des fonds publics attribués aux entreprises est aussi critiquée par Laurent Berger, son homologue de la CFDT. Elle fait également tousser les ex-marcheurs du groupe Écologie, Démocratie, Solidarité. Dans une tribune publiée dans Le JDD et signé notamment par Matthieu Orphelin, Émilie Cariou, Aurélien Taché, ou encore Cédric Villani, ils déplorent que ce plan reste « trop imprégné d’un libéralisme conservateur satisfait de trouver l’argent public qui surgit opportunément pour sauver l’économie, mais sans souffrir aucune conditionnalité sociale, fiscale ou écologique ». Le jour d’après ressemble décidément furieusement au jour d’avant.

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