La disparition du phosphate naturel menace l’agriculture mondiale

Une étude scientifique craint une catastrophe planétaire.

Claude-Marie Vadrot  • 2 octobre 2020
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La disparition du phosphate naturel menace l’agriculture mondiale
© Photo : Michel Bureau / Biosphoto / Biosphoto via AFP

Toutes les terres arables du monde subissent des mécanismes d’appauvrissement et d’érosion qui diminuent progressivement leur fertilité et le rendement des végétaux cultivés. Une évolution essentiellement liée aux pratiques d’une agriculture intensive ; qu’il s’agisse des labours profonds détruisant la microfaune ou du recours systématique à des pesticides et des engrais chimiques de synthèse qui dopent les sols en les épuisant et en modifiant leur structure. Il revient aux scientifiques agronomes de multiplier les études et les avertissements même si les dégâts constatés sont souvent ignorés ou minimisés par les acteurs de l’agro-business, qui imaginent toujours pouvoir défricher de nouvelles terres. Comme ils le font en Asie ou au Brésil.

La revue Nature Communication_ a publié récemment une étude dont les données chiffrées font apparaître que les traitements physiques et chimiques ont pour conséquence d’éliminer progressivement le phosphore alors qu’il s’agit de l’un des principaux éléments qui assure une bonne et régulière croissance des plantes, qu’elles soient cultivées ou sauvages. Christine Alewell, la professeure suisse qui dirige l’équipe de spécialistes ayant mené cette étude, explique :

Nous savions déjà que l’érosion joue un rôle. Mais l’étendue de ce rôle n’avait cependant jamais été quantifiée à ce niveau.

Elle ajoute que de nombreux pays ne sont pas en mesure de pallier le déficit à l’aide d’engrais minéraux ou de nouvelles alternatives vertes.

Une pénurie insupportable

Le problème, expliquent notamment les chercheurs pour l’Afrique, c’est que si ce continent possède d’importants gisements de phosphore le coût de son extraction est supérieur à ce que de nombreux pays africains, latino-américains et même européens peuvent supporter pour compenser le déficit en phosphate constaté et mesuré. D’autant plus qu’une importante partie du phosphate « ajouté » n’est pas assimilée par les plantes, 80 % finissant dans les écosystèmes aquatiques qu’ils polluent irrémédiablement, l’une des conséquences les plus connues étant l’eutrophisation par des herbes et des algues qui étouffent les cours d’eau et les milieux marins, notamment sur les côtes et les plages tout en modifiant la faune aquatique.

L’équipe de Christine Alewell conseille donc plusieurs remèdes : d’abord que les techniques agricoles soient rapidement modifiées pour que le phosphate présent dans les terres (ce qu’il reste) soit préservé. Que soit mis fin aux gâchis du phosphate « ajouté ». Que la préférence soit donnée aux cultures bio. Que les déchets végétaux et humains soient utilisés systématiquement pour que les plantes jouent leur rôle de fixation naturelle avec leurs appareils racinaires.

Écologie
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