Le retour d’un imposteur

Après l’échec de sa candidature (coûteuse) à Barcelone, Manuel Valls revient en France et affirme maintenant n’avoir « qu’une seule patrie ».

Michel Soudais  • 23 mars 2021
Partager :
Le retour d’un imposteur
© Photo : Daniel Pier / NurPhoto / NurPhoto via AFP

Que vaut la parole d’un Manuel Valls ? Dans un livre, qui paraît cette semaine sous un titre emprunté à Romain Gary – qui n’en peut mais… –, « Je n’ai pas une goutte de sang français, mais la France coule dans mes veines », le conseiller municipal de Barcelone annonce son retour. « Je n’ai qu’une seule patrie, la France », déclare-t-il dans un long entretien au Point (18 mars). _« Quoi qu’il arrive, je resterai », avait-il promis aux Barcelonais, lors de sa déclaration de candidature à la mairie, en septembre 2018. Un engagement répété sur toutes les antennes de ce côté-ci des Pyrénées : « Quand on fait de tels choix de vie, ce n’est pas pour faire des zigzags », assurait-il le 2 octobre 2018. Las. Cette promesse ne valait pas plus que son engagement à soutenir le vainqueur de la primaire socialiste.

À propos de ce parjure, Manuel Valls a fait lundi au micro de France Inter une confondante confession :

Je n’ai pas pris conscience du fait qu’ayant rompu la promesse de ne pas soutenir un autre candidat […], cela allait faire de moi le traître.

Au PS, il avait donc appris, comme il le raconte dans Le Point, « les rapports de force, la conquête du pouvoir, l’ingratitude, la méchanceté » mais ignorait l’exigence de… loyauté. Voilà qui en dit long sur les valeurs qui animent ce donneur de leçons. S’il convient d’avoir « commis des erreurs », ce n’est « pas sur l’essentiel », affirme-t-il, citant notamment « la défense de la République [sauf dans le royaume d’Espagne]_, de la laïcité »_ et son soi-disant « engagement contre l’extrême droite », qui a bien prospéré électoralement sous son gouvernement. Il s’y indigne une nouvelle fois que ceux qui « défendent la République et la laïcité » – comprendre lui et ses amis, Riss, Charlie, Fourest – puissent être « soupçonnés de stigmatiser les musulmans ». Mais deux pages plus loin, interrogé sur les responsables religieux unanimement inquiets de voir le projet de loi sur le séparatisme menacer la liberté religieuse, il explique tranquillement qu’« à ne pas vouloir “stigmatiser” les musulmans, on se fâche avec tout le monde ». Ce qui est aussi la position de Marine Le Pen.

La raison de son subit retour de flamme pour la France ne serait-elle pas à chercher de l’autre côté des Pyrénées ? Un récent rapport du Tribunal des comptes sur les dépenses des candidats à la mairie de Barcelone lui épingle 189 497 euros de dépenses de campagne non déclarées et un dépassement de 71,15 % du plafond autorisé pour ce scrutin. « On est dans l’épaisseur du trait, il n’y a aucune inquiétude à avoir », a commenté lundi Manuel Valls, pour qui ses « comptes sont tout à fait transparents » et vont faire l’objet d’« un débat avec le Tribunal des comptes ». Un instant, on a cru entendre Sarkozy parler de son compte de campagne.

Lire aussi > Les pas de Valls toujours plus à droite

Publié dans
Parti pris

L’actualité vous fait parfois enrager ? Nous aussi. Ce parti pris de la rédaction délaisse la neutralité journalistique pour le vitriol. Et parfois pour l’éloge et l’espoir. C’est juste plus rare.

Temps de lecture : 3 minutes
Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don

Pour aller plus loin…

Européennes : à gauche, deux salles, deux ambiances
Parti pris 17 avril 2024

Européennes : à gauche, deux salles, deux ambiances

Et revoilà le vieux refrain des gauches irréconciliables. D’un côté, un candidat de compromis qui réactive le logiciel social-démocrate. De l’autre, la rupture brandie comme moteur de la gauche. Les vieux réflexes hégémoniques menacent une possible réconciliation après les élections.
Par Lucas Sarafian
Pollueurs éternels
Billet 10 avril 2024

Pollueurs éternels

Une proposition de loi contre les substances chimiques « per- et polyfluoroalkylées » – PFAS – aussi appelé « polluants éternels », a été adoptée à l’unanimité. Elles sont le révélateur de deux mondes qui s’affrontent avec aigreur alors qu’elles devraient être le tournant vers une bifurcation écologique globale.
Par Vanina Delmas
La proportionnelle, nouvelle arme anti-RN ?
Parti pris 5 avril 2024

La proportionnelle, nouvelle arme anti-RN ?

Il est urgent de changer le mode de scrutin si l’on ne veut pas voir l’extrême droite ravir la majorité des sièges à l’Assemblée nationale, estime un collectif de chercheurs et d’élus. L’idée séduit mais il faut en mesurer les effets.
Par Michel Soudais
Erdogan, quoi après la raclée ?
Parti pris 2 avril 2024

Erdogan, quoi après la raclée ?

Les résultats des élections municipales en Turquie ont vu la déroute de l’AKP, le parti de Recep Tayyip Erdoğan. Bien qu’affaibli, on ne doute pas que l’autoritaire président tentera, une fois de plus, de faire mentir ceux qui préparent son enterrement politique.
Par Patrick Piro