La tentation identitaire des communistes

Le PCF tient ce week-end une conférence nationale sur sa stratégie en 2022. La présence – ou non – d’un candidat de cette formation est au centre des débats.

Roni Gocer  • 7 avril 2021 abonné·es
La tentation identitaire des communistes
Fabien Roussel fait figure de candidat naturel pour nombre de militant·es.
© Fred TANNEAU/AFP

Cela devait n’être qu’un échauffement. Débattre en interne – en famille – sur la tactique à adopter pour la présidentielle, avant de tomber d’accord, à l’unisson, sur une ligne. Logiquement, la direction du Parti communiste français (PCF) rêve de ce scénario tandis qu’elle prépare sa grande conférence nationale. Fixé au week-end des 10 et 11 avril, le rendez-vous doit permettre aux délégué·es fédéraux·ales de s’entendre sur un texte commun, qui sera soumis en mai au vote des adhérent·es. Covid-19 oblige, tout se passe en ligne. La conférence se fera en visio, alors qu’en amont plus d’une centaine de contributions ont été mises à disposition. On y trouve pêle-mêle des déclarations, des propositions, des conseils… Et une question récurrente : le PCF doit-il présenter son propre candidat à l’élection présidentielle ?

Près d’un an avant le scrutin, la question brûle les lèvres d’une partie des communistes. Le 13 mars, un projet de texte a été adopté par 52 % des membres du conseil national. Ce premier jet sert de base, cette semaine, aux délégué·es qui vont l’amender. Dans les derniers paragraphes, on trouve inscrit sans détour l’appel à un ticket autonome : « Avec leur candidature à la présidentielle, les communistes entendent changer la donne, faire prévaloir à gauche des solutions transformatrices, renforcer l’influence communiste et donc celle de la gauche tout entière, initier une dynamique au service d’une nouvelle majorité politique, riche de sa diversité. »

Exit l’hypothèse d’un ralliement à Jean-Luc Mélenchon ou à quiconque : le parti ne suivrait que l’un ou l’une des siens. Et, selon toute probabilité, il s’agirait de Fabien Roussel. Le député du Nord avait défendu au dernier congrès, à l’automne 2018, le principe d’une candidature autonome dans un texte alternatif, « Pour un manifeste du Parti communiste du XXIe siècle », qui l’avait emporté, et s’était imposé comme secrétaire national du Parti. Aujourd’hui, il fait figure de candidat naturel pour nombre de militant·es, dont le porte-parole du parti, Ian Brossat : « On peut ne pas aimer l’élection présidentielle, c’est mon cas, mais ça reste l’élection principale, je pense qu’on doit y être. […] Par ailleurs, je ne vois pas aujourd’hui dans quelles conditions un accord serait possible pour la présidentielle, dans un arc qui irait de La France insoumise à Europe Écologie-Les Verts. »

Pour s’entendre avec ces derniers, beaucoup de choses dépendront de l’issue de leur primaire et de la ligne politique qui en sortira. Mais l’éclaircissement risque d’être tardif, car le scrutin ne se tiendra qu’à la toute fin de l’été, « avant le 30 septembre 2021 », répète la direction des Verts.

« La candidature autonome du PCF, ça reste un débat très chaud qu’on préfère garder en interne », glisse l’élu communiste d’une grande ville, qui souhaite rester anonyme. « En étant totalement absents de la présidentielle, on risque d’être éclipsés pour toute la séquence électorale. Rien ne nous empêche en revanche de désigner un chef de file qui pourrait se retirer avant le premier tour. » Pour contrer ce scénario, le député André Chassaigne et l’économiste Frédéric Boccara avaient proposé, durant le dernier conseil national, que les négociations concernant les législatives ne se tiennent qu’après la présidentielle. La proposition a été largement rejetée. « Nous souhaitons être présents à l’élection présidentielle, mais ça ne nous empêchera pas d’avoir un accord aux élections législatives, argumente Ian -Brossat. Si nous l’avions fait la dernière fois, nous aurions eu bien plus de député·es de gauche dans l’hémicycle. »

Fabien Roussel apparaît plus catégorique, sur la chaîne RT France : « Bien sûr, cette candidature, c’est pour aller jusqu’au bout, ce n’est surtout pas pour la retirer en fonction de telle ou telle négociation. Ce n’est pas le sujet. » Le presque candidat insiste en pointant les sondages : même unis, les partis de gauche n’obtiennent pas un score faramineux ; une candidature communiste pourrait en revanche convaincre un nombre plus important d’électeur·trices. Un sentiment que partage Pedro Maia, de la fédération de la Loire-Atlantique : « Je crois que notre parti a plus de proximité avec le monde du travail que d’autres. Nous avons toujours mis en avant la culture ouvrière. Et puis ce n’est pas une candidature communiste à la présidentielle qui empêcherait un·e candidat·e de gauche d’accéder au second tour. »

Sur la plateforme de débat en ligne, les contributions fourmillent d’avis sur la stratégie à suivre. Beaucoup souhaitent une candidature communiste, mais la possibilité d’une victoire, ou simplement d’une présence au second tour, est rarement envisagée. Le souvenir des bérézinas présidentielles est encore frais. Depuis la campagne réussie de Jacques Duclos en 1969 (21,27 % des voix, pas de second tour), la tendance à une baisse des voix est limpide : 15,35 % en 1981 avec Georges Marchais, 6,76 % en 1988 pour André Lajoinie (avec une candidature dissidente), puis respectivement 8,64 % et 3,37 % en 1995 et 2002 pour Robert Hue. La dernière candidature solitaire du PCF, en 2007 avec Marie-George Buffet, se solde par un score décevant de 1,93 % des voix.

« Nous subissons la logique de l’élection présidentielle, avec un suffrage qui nous dessert », souffle Antoine Guerreiro sans se démoraliser. Membre du conseil national, il fait partie des premiers signataires d’une tribune réunissant 200 cadres et militant·es contre une aventure solitaire du PCF. Parmi eux figurent les député·es Elsa Faucillon et Stéphane Peu, qui défendaient en 2018 le texte alternatif « Printemps du communisme », prônant un rapprochement plus prononcé avec La France insoumise.

« L’idée est venue de divers camarades avec différents profils, parfois en désaccord sur plein de sujets, assure Antoine Guerreiro. Des responsables locaux et nationaux qui ne sont pas d’accord sur tout mais se retrouvent sur la nécessité de tout faire pour qu’il y ait une démarche de rassemblement à gauche. Mais, évidemment, si les blocages qui peuvent exister chez les autres ne s’arrangent pas… » Après les amendements du texte en conférence nationale, celui-ci sera soumis au vote des adhérent·es le 9 mai. Il reviendra à ces dernier·ères de clore un débat stratégique commencé il y a trois ans.

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