Régionales : L’espoir discret d’une dynamique nouvelle

Les alliances entre la gauche et EELV ont partout progressé. Elles sont en mesure de se maintenir dans toutes les régions, et même de battre les sortants de droite dans deux d’entre elles.

Patrick Piro  • 23 juin 2021 abonné·es
Régionales : L’espoir discret d’une dynamique nouvelle
Dans les Pays de la Loire, Matthieu Orphelin a réussi une belle démonstration en arrivant en deuxième position (18,7u2009%).
© LOIC VENANCE / AFP

Le message de ce premier tour des régionales est en apparence un peu rude pour les partisans d’une large union de la gauche et d’Europe Écologie-Les Verts. L’attelage a été testé dans deux régions emblématiques du scrutin : les Hauts-de-France et Provence-Alpes-Côte d’Azur (Paca). En 2015, ces formations, parties en ordre dispersé, n’avaient pas fait mieux qu’une troisième place à l’issue d’un premier tour remporté par le Front national (aujourd’hui Rassemblement national, RN) avec plus de 40 % des voix. Pierre de Saintignon (PS, 18,1 %) et Christophe Castaner (alors PS, avec divers groupes de centre gauche, 16,6 %) s’étaient résignés à jeter l’éponge, favorisant le candidat de droite pour « faire barrage à l’extrême droite ».

Avec une symétrie frappante, Karima Delli (EELV, avec LFI, le PS et le PCF) dans les Hauts-de-France et Jean-Laurent Félizia (EELV, avec le PS et le PCF, mais sans LFI) en Paca arrivent à nouveau derrière le duo droite-RN, avec un pourcentage de voix quasiment identique à celui des listes de gauche pouvant se maintenir en 2015.

Avec des conséquences différentes cependant, mais uniquement dictées par la situation de l’extrême droite : Karima Delli se maintient, tant la région apparaît aujourd’hui hors de sa portée, quand Jean-Laurent Félizia a fini par jeter l’éponge, après avoir affirmé pendant quelques heures qu’il devait à son électorat de ne pas le frustrer par six nouvelles années de disette de l’opposition des écologistes et de la gauche sur les bancs de l’assemblée régionale. Louable, mais intenable : les sondages donnaient au RN Thierry Mariani une confortable victoire, évitable en cas d’un face-à-face avec Renaud Muselier (LR).

L’union (plus ou moins totale) de la gauche et d’EELV n’a donc pas provoqué de saut quantitatif dans les urnes. Pour le moins à ce stade et dans ces régions, où la déchéance des socialistes locaux, dans les années 2010, a durablement terni l’image de la gauche.

En Île-de-France, l’accord de fusion Bayou-Pulvar-Autain a été facilement trouvé.

Il faudra cependant attendre pour tirer un bilan plus complet : la liste Delli n’a peut-être pas encore tiré le bénéfice de l’impact psychologique du rassemblement, d’EELV à LFI, qui pourrait susciter un regain de participation lors du second tour, alors que, à défaut de menacer Xavier Bertrand, il est acquis qu’elle aura de nouveau des élus dans l’assemblée régionale.

Et dans d’autres régions tenues par la droite, bien que celle-ci ait partout bénéficié de la prime au sortant, la dynamique de rassemblement qui se dessine fait espérer un bon second tour, voire mieux. Dans les Pays de la Loire, Matthieu Orphelin (écologiste non encarté, ex-EELV et ex-LREM, avec LFI) a réussi une belle démonstration en arrivant en deuxième position (18,7 %). Il a des chances crédibles de l’emporter, alors que le socialiste Guillaume Garot, qui menait une liste avec les communistes, s’est rangé derrière lui sans la moindre hésitation. « Nos projets sont compatibles sans difficulté », a-t-il déclaré. Et le coup est jouable aussi en Île-de-France dans une configuration politique proche, avec l’accord de fusion facilement trouvé entre le troisième Julien Bayou (EELV, 12,9 %), Audrey Pulvar (soutenue par le PS, 11,1 %) et Clémentine Autain (LFI, 10,2 %), dont le total des voix (34 %) tutoie celui de la sortante Valérie Pécresse (droite, 35,9 %).

Les cinq sortant·es socialistes arrivent également en tête : François Bonneau en Centre-Val de Loire (24,8 %), Loïg Chesnais-Girard en -Bretagne (20,9 %), Carole Delga en Occitanie (39,6 %), Marie-Guite Dufay en Bourgogne-Franche-Comté (26,5 %) et l’indéboulonnable Alain Rousset en Nouvelle-Aquitaine (28,8 %, cinquième mandat en vue).

Mais, si le PS peut souffler un peu après une série de scrutins qui l’a vu régulièrement plonger sous la barre des 10 %, ce résultat masque un déplacement peu souligné : ces socialistes, en formation « union de la gauche » (soutenus par le PCF et de petites formations de centre gauche), reculent partout en pourcentage par rapport à 2015, au profit de listes écologistes associées ou non avec une partie de la gauche non socialiste (fréquemment LFI), et toutes en capacité de se maintenir dans les régions où elles étaient présentes, ce qui était l’exception lors des précédentes régionales. En Auvergne-Rhône-Alpes et Grand Est, les attelages verts mâtinés de rouge passent même devant les listes PS-union de la gauche, inversant l’ordre de 2015. Autre constante à gauche : à part en Île-de-France, où Clémentine Autain était en mesure de se maintenir (10,2 %), aucune candidature LFI n’a percé.

Un cas particulier confirme cette tendance : la socialiste Carole Delga, en ralliant dès le premier tour une partie des écologistes d’Occitanie, au-delà de la classique union à gauche, fait très nettement mieux qu’au premier tour de 2015 (24,4 %). En Centre-Val de Loire, les négociations ont également été instructives. Marc Fesneau (ministre Modem-LREM, 16 %) a décidé de se maintenir au second tour, déçu que son offre de fusion ait été refusée par la liste de droite de Nicolas Forissier (LR, 18,8 %). C’est donc une claque supplémentaire pour le parti présidentiel, et un boulevard désormais pour François Bonneau, qui a joué le jeu inverse pour le second tour : il a annoncé la fusion de sa liste avec celle de Charles Fournier (EELV avec LFI, 10,8 %).

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