#MeTooPolice : quand le temps joue en faveur de l’accusé

Dans une décision-cadre publiée le 12 avril, relatif à la prise en charge du harcèlement sexuel dans les forces de sécurité publique, la Défenseure des droits insiste sur la nécessité d’une procédure disciplinaire rapide. Et pour cause : un long délai permet à certains d’échapper aux sanctions.

Nadia Sweeny  • 12 janvier 2022 abonné·es
#MeTooPolice : quand le temps joue en faveur de l’accusé
© Nicolas Guyonnet/Hans Lucas/AFP

Le 31 juillet 2019, le commandant Jean-Luc B., en poste au commissariat de Juvisy-sur-Orge, dans l’Essonne, était mis en examen pour harcèlement sexuel, violence et harcèlement moral. Des faits perpétrés trois ans durant, entre 2015 et 2018. L’affaire avait à l’époque été largement médiatisée. Sous couvert d’« humour » (sic), le commandant avait attaché une policière gardienne de la paix avec ses menottes, enfoncé une banane dans sa bouche et dessiné sur elle un pénis au feutre indélébile.

Lire > A quand une tolérance zéro ?

Article 222-33 du code pénal

« Le harcèlement sexuel est le fait d’imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle ou sexiste qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante. »

Alors que, là encore, pendant plusieurs années, aucun des policiers témoins n’a jugé bon de dénoncer les faits, certains ont évoqué ensuite devant les enquêteurs des baisers forcés imposés par le commandant à la plaignante et même des propositions de rapports sexuels en groupe. Depuis, une femme brigadière de police a aussi porté plainte contre le même homme pour un viol dont elle aurait été victime en 2014.

Après sa mise en examen en 2019, le commandant B. a été suspendu de ses fonctions – ce qui ne constitue pas une sanction. L’information judiciaire est sur le point de prendre fin mais l’enquête administrative, menée en parallèle, est bouclée et transmise à sa direction d’emploi depuis plus de six mois. Aucune sanction n’a pour le moment été prononcée. Le commandant n’est même pas encore passé devant un conseil de discipline, deux ans et demi après le déclenchement de la procédure.

L’homme de 55 ans peut désormais demander sa mise à la retraite et éviter ainsi la déconvenue d’une sanction administrative s’ajoutant à une éventuelle condamnation pénale. Contactée, la direction générale de la police nationale confirme que la procédure disciplinaire n’est pas encore engagée mais prétend que la direction des ressources humaines n’a reçu le dossier qu’en octobre dernier.

Pour aller plus loin…

« Plan social déguisé » : 20 salariés d’un sous-traitant d’Amazon contestent leur licenciement
Luttes sociales 15 octobre 2025 abonné·es

« Plan social déguisé » : 20 salariés d’un sous-traitant d’Amazon contestent leur licenciement

Licenciés pour faute il y a un an, ils ont décidé d’attaquer cette décision auprès des prud’hommes de Marseille, ce mercredi. En cause : le refus d’être mutés à plus de 130 kilomètres de leur lieu travail suite à la perte d’un contrat avec Amazon.
Par Pierre Jequier-Zalc
À Paris, la Confédération paysanne en première ligne contre le Mercosur
Reportage 15 octobre 2025 abonné·es

À Paris, la Confédération paysanne en première ligne contre le Mercosur

Plusieurs centaines de personnes ont manifesté le 14 octobre contre le traité de libre-échange UE-Mercosur, à Paris, à l’appel du syndicat. Un texte qui exercerait une concurrence déloyale pour les agriculteurs français et menacerait la santé et le climat.
Par Vanina Delmas
Droits des étrangers : une justice de plus en plus expéditive
Enquête 15 octobre 2025 abonné·es

Droits des étrangers : une justice de plus en plus expéditive

Sous la pression des chiffres, le traitement des dossiers d’étrangers par la justice administrative se dégrade. Ce qui était urgent il y a quelques années ne l’est plus. Des vies basculent. Sous couvert d’anonymat, six magistrats administratifs ont accepté de nous parler. Récit d’un délitement.
Par Pauline Migevant
Dans les CRA, une justice en visio rendue loin des regards
Reportage 15 octobre 2025 abonné·es

Dans les CRA, une justice en visio rendue loin des regards

Depuis le covid et la loi asile et immigration promulguée en janvier 2024, la justice en visioconférence se développe dans des annexes de tribunaux au sein des centres de rétention. Ces audiences cruciales pour la liberté des personnes menacées d’expulsion ont lieu sans public et au mépris des droits de la défense.
Par Pauline Migevant