Le NPA fait campagne pour sa survie

Francis Daspe s’insurge contre la suppression envisagée par Macron, du CAPES, ce concours de recrutement des enseignants des collèges et lycées. Ce serait une régression de grande ampleur, explique-t-il.

Lucas Sarafian  • 22 février 2022
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Le NPA fait campagne pour sa survie
© Emmanuel Macron et Jean-Michel Blanquer en visioconférence dans une école de Poissy, le 5 mai 2020 (Ian LANGSDON / POOL / AFP).

O uvrier licencié, candidat anticapitaliste. » Les affiches de campagne décrivent bien l’équation compliquée à laquelle est confronté Philippe Poutou. L’ex-employé de l’usine Ford de Blanquefort, en Gironde, se jette dans l’arène de la campagne présidentielle pour la troisième fois. Mais les difficultés que connaît la figure de proue du parti anticapitaliste depuis 2012 ne se limitent pas à sa vie personnelle. Car depuis un an, le NPA est à la peine.

D’abord, une scission interne. En juin 2021, Révolution permanente, l’une de ses plus importantes tendances d’opposition, regroupant près de 300 militants, décide de faire cavalier seul et de présenter son propre candidat à la présidentielle : Anasse Kazib, cheminot syndiqué à Sud-Rail et connu des plateaux des Grandes gueules sur RMC et de Touche pas à mon poste sur C8. Une candidature qui vient embouteiller un peu plus un couloir trotskiste au socle électoral traditionnellement restreint. Et où la concurrence était déjà bien rude avec la présence de Nathalie Arthaud (Lutte ouvrière) qui, elle aussi, se lance dans l’aventure pour la troisième fois.

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Ensuite, une base militante très réduite. Le parti a pu compter dans ses rangs seulement 1.250 militants lors de la dernière conférence nationale organisée en juin dernier. Un chiffre très éloigné des 10.000 adhésions comptabilisées lors du congrès de fondation en février 2009. Avec la création à la gauche du PS du Front de gauche puis de la France insoumise, le nombre de cartes d’adhésion au NPA n’ont cessé de s’évaporer.

Enfin, ce faible effectif militant accroît la difficulté d’obtenir les 500 parrainages d’élus qui constitue un passage obligé pour avoir son nom écrit sur un bulletin de vote à la présidentielle. Pour le NPA, c’est traditionnellement « un premier tour avant l’heure », rappelle Christine Coulon, membre du conseil politique national. Il y a cinq ans, le parti en recueille de justesse 573. En 2012, 572. Mais cette année, avec un candidat supplémentaire utilisant les mêmes réseaux d’élus et une candidature communiste qui ne soutient pas Jean-Luc Mélenchon, la tâche se complique sérieusement.

Un candidat pour cacher une crise

Dans ces conditions, pourquoi y aller ? « Même pour remonter une rivière, il faut être dans la rivière. […] On reste spectateur des choses ou on se remonte les manches ? », martèle Olivier Besancenot, porte-parole du NPA, en synthétisant la position qu’a décidé le parti lors de la conférence nationale organisée en juin 2021 au sujet de la présidentielle.

Mais en interne, la question n’est pas si tranchée tant la formation est aujourd’hui affaiblie. Et pour beaucoup, présenter un candidat semble être un « pari fou ». En témoigne le vote des délégués lors de cette conférence nationale : sur les 150 présents, 68 se sont abstenus et 4 se sont opposés à la candidature de Philippe Poutou.

« Sa candidature est défendue par la direction pour maintenir une organisation qui est en crise depuis un moment, avance Gaston Lefranc*, membre d’une petite tendance d’opposition qui appelle à voter Jean-Luc Mélenchon dès le premier tour, le 10 avril prochain. Et si le NPA n’obtient pas les signatures ? Ça risque de précipiter la crise parce qu’il y a de grosses dépenses en jeu. C’est un pari trop risqué. » En 2017, le NPA avait dû débourser plus de 780.000 euros. Une somme importante pour la petite organisation anticapitaliste. En bref, le parti joue gros : rien de moins que sa survie.

« Ce n’est pas en se présentant qu’on sauve un parti, contrairement à ce qu’assume la majorité de la direction, pointe Ludovic, qui appartient à la même tendance d’opposition. La question de la présidentielle devrait être un point parmi d’autres au congrès. Toute notre politique ne doit pas se résumer à ça. » Car en coulisses, on critique l’absence de vie interne au parti : aucun congrès ne s’est tenu depuis janvier 2018 ; ce rendez-vous a été sans cesse reporté. Il aurait dû avoir lieu en début d’année mais ne se tiendra qu’après les échéances électorales.

Autre point de tension : les récentes alliances du parti avec La France insoumise aux élections régionales en Nouvelle-Aquitaine, et auparavant aux municipales à Bordeaux qui a conduit à la création du collectif Bordeaux en luttes et à l’accession de Philippe Poutou au conseil municipal. Pour Paul Morao, membre de l’équipe de campagne d’Anasse Kazib, c’était aussi une explication à la scission de Révolution permanente : « On était opposés aux alliances avec LFI, qui ont été lancées sans accord au sein du parti, portant préjudice à l’indépendance politique du NPA. »

Peur de sombrer dans l’oubli

Pour d’autres, se présenter peut à contrario servir de remède à la crise. « Notre score, ce sera la quantité d’essence qu’on aura dans le moteur : si on ne se présente pas ou si on obtient 1 ou 3 % des voix, ce n’est pas la même chose, relève Laurent Ripart, cadre du NPA de Chambéry, qui espère que son parti profitera de l’effet de visibilisation que procure la présidentielle. Il y a des bénéfices si on arrive à se présenter aux élections par rapport à d’autres organisations du même type qui sont malheureusement aujourd’hui oubliées. » Allusion implicite au Parti ouvrier indépendant (POI), formation d’extrême gauche qui a toujours refusé de participer aux campagnes présidentielles. Aujourd’hui, ce parti est totalement oublié. « Ce serait un gâchis de ne pas se qualifier. Un gâchis pour la vie du parti et pour la vie démocratique, avertit Salomé, délégué du Loiret. Passer aux JT, c’est distribuer des millions de tracts. »

Du côté de la direction, l’heure est à l’optimisme. « Si on n’obtient pas les parrainages, ça compliquera les choses pour nous, c’est sûr. Mais ça ne changera pas le parti », lance Sylvain Fauvinet, membre du conseil politique national. Même son de cloche du côté de Damien Scali, cheminot et porte-parole de Philippe Poutou : « La crise de notre parti ? Ça fait dix ans qu’on nous en parle. Nous ne sommes pas du tout désespérés ou fatalistes. Nous devons porter la voix des travailleurs donc nous devons être là. » Mais à dix jours de la clôture des dépôts de parrainages, le candidat du NPA a obtenu seulement 224 signatures d’élus. Jamais le doute n’avait été aussi fort sur la présence du parti au premier tour comme sur son avenir.

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