La gauche et le libéralisme

Olivier Doubre  • 24 janvier 2007 abonné·es

Si les socialistes français dénonçaient le régime dictatorial à l’oeuvre en Union soviétique, jamais ils ne firent d’ aggiornamento en faveur d’un libéralisme politique.

Ils continuèrent ­ jusqu’en 1982 ­ à proclamer une volonté de « rupture avec le capitalisme » . Seuls les trotskistes et quelques marxistes hétérodoxes (c’est le cas de Socialisme ou Barbarie) s’attachèrent, après 1945, à développer une critique de gauche du totalitarisme soviétique, sans transiger avec la dénonciation de l’exploitation capitaliste.

Dans les années 1970, une gauche antitotalitaire avança une critique libérale et libertaire du stalinisme. Favorable à l’autogestion, la « deuxième gauche » promut une réévaluation théorique du libéralisme politique. Et Pierre Rosanvallon ou Marcel Gauchet (re)découvrirent Hannah Arendt, tout en restant proches du mouvement ouvrier.

Les années 1980 furent fatales à une telle alliance. Cette « deuxième gauche » finit par légitimer la montée du néolibéralisme, abandonnant toute contestation du système capitaliste. La chute du mur du Berlin n’y changea rien, et les anciens autogestionnaires se muèrent en « évangélistes du marché » (selon le mot de Keith Dixon), se forgeant un corpus idéologique qui associait tout libéralisme politique au cours néolibéral du capitalisme. Tocqueville fut « canonisé » alors que, comme le montrent Claire Le Strat et Willy Pelletier [^2], ses positions ont oscillé en fonction des circonstances. Philippe Corcuff regrette que les gauches radicales ne « se soient pas saisi des ressources des traditions libérales mises en évidence par la critique du totalitarisme » dans les années 1970. Le néolibéralisme ayant, depuis, moins de succès, Pierre Rosanvallon s’interroge [^3] sur les « excès » idéologiques commis ces dernières années. Son ouvrage la Contre-démocratie illustre une amorce de retour vers une certaine critique sociale.

[^2]: La Canonisation libérale de Tocqueville, Syllepse, 292 p., 23 euros.

[^3]: (2) La Contre-Démocratie. La politique à l’âge de la défiance, Seuil, 352 p., 21 euros.

Politique
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