Bové, combien de divisions ?

Les soutiens du syndicaliste paysan couvrent un spectre politique et une diversité d’engagements caractéristiques d’une candidature fédératrice des luttes d’aujourd’hui.

Michel Soudais  • 1 février 2007 abonné·es

La candidature de José Bové, « c’est la candidature de trop » et « une candidature de plus dans l’émiettement de la gauche » , regrette Marie-George Buffet. Cette candidature « va diviser davantage » les tenants du « non » de gauche au référendum européen, note la LCR. Aussitôt annoncée, la candidature du syndicaliste paysan est décriée par ceux-là mêmes à qui il demande, au nom du nécessaire rassemblement des antilibéraux de gauche, de renoncer à présenter des candidatures séparées. Elle n’est pas non plus soutenue par les républicains sociaux, représentés au collectif national par trois formations. L’association Pour la république sociale (PRS), qui s’est retirée du processus après la décision du PCF d’imposer sa candidate, fera campagne contre la droite et l’extrême droite, sans donner de consigne de vote. À la réunion nationale de Montreuil ( Politis n° 936), le Mouvement pour une alternative républicaine et sociale (Mars) et la Gauche républicaine se sont abstenus sur la résolution proposant à José Bové d’être le candidat « de rassemblement de la gauche antilibérale, féministe, écologique et solidaire » .

Les soutiens de José Bové couvrent toutefois un spectre politique et une diversité d’engagements sans commune mesure avec ceux dont se prévalent ses camarades-concurrents. Des militants politiques, plus ou moins aguerris, y côtoient des responsables et acteurs de mouvements sociaux, des intellectuels et des artistes, mais aussi des cyberactivistes.

Côté « orga », José Bové a l’appui des Alternatifs et de la Convergence citoyenne pour une alternative à gauche (CCAG). Les premiers, héritiers du « PSU de Lip, pas de Rocard » , revendiquent 800 adhérents dont 80 élus. Roland Mérieux, cité comme probable mandataire financier de la campagne, en est membre. La CCAG, née dans la foulée des élections régionales de 2004, rassemble en un réseau différents groupes locaux constitués dans un rapport critique aux appareils politiques de la gauche : l’Anpag en Basse-Normandie, l’Alternative Midi-Pyrénées, Alternative citoyenne en Île-de-France… Claire Villiers, vice-présidente du conseil régional d’Île-de-France, le sociologue Pierre Cours-Salies et François Simon, élu à Toulouse, en sont les figures les plus connues.

L’homme du Larzac coalise surtout des « minoritaires » des Verts, de la LCR et du PCF. C’est le cas de l’écologiste Francine Bavay et de ses amis du courant Alter Ekolo, de Rémy Jean ou Emmanuel Chanial, issus de la Ligue ; mais, plus encore, d’un nombre croissant de « communistes unitaires » : après Jacques Perreux, vice-président du conseil général du Val-de-Marne, pressenti pour prendre la direction de la campagne, le député Patrick Braouezec a franchi le pas. C’est dans sa ville que José Bové a prévu d’officialiser sa candidature. Et c’est avec lui que les députés François Assensi (Seine-Saint-Denis), Frédéric Dutoit (Bouches-du-Rhône) et Jacqueline Fraysse (Hauts-de-Seine), le sénateur des Bouches-du-Rhône, Robert Bret, les maires d’Arcueil, d’Aubagne, de Nanterre et de Saint-Denis et un conseiller général de Gennevilliers, Patrice Leclerc, ont lancé, le week-end dernier, un appel à « la majorité de la LCR et du PCF » pour qu’elles reconsidèrent leurs candidatures. Autre concours : celui des membres du Forum de la gauche citoyenne et de son animateur Dominique Taddei, ancien député et secrétaire national du PS, l’un des coprésidents du congrès d’Épinay. De quoi relativiser l’image gauchiste dans laquelle certains voudraient cantonner la candidature Bové.

Celle-ci eut été inimaginable sans le soutien des collectifs qui ne se sont pas résignés au solo du PCF. Combien sont-ils ? L’estimation est difficile. Sur les 800 recensés début décembre, 300 étaient représentés à Montreuil, les 21 et 22 janvier. Parmi les présents, une trentaine seulement étaient hostiles à une candidature Bové, les autres voulant seulement vérifier que des garanties seraient données que la campagne se ferait bien sur la base des propositions, de l’ambition et de la stratégie décidées collectivement à l’automne. Depuis, une trentaine de collectifs absents auraient fait connaître leur accord.

Mais le principal ressort de la candidature Bové réside dans le succès de l’appel lancé sur Internet et relayé depuis sur les marchés. Au moins 32 000signatures recueillies entre les 6 et 30 janvier ! Cet engouement, qui va bien au-delà des militants engagés dans les collectifs, a pesé lourd quand plusieurs porte-parole du collectif national, tels Yves Salesse, Claude Debons et Christian Picquet, faisaient preuve de réserve. Ces signataires révèlent toute l’alchimie politique de cette candidature.

Si l’on y voit peu de syndicalistes connus, hormis l’ex-dirigeant de la Confédération paysanne, François Dufour, on y trouve le porte-parole de Droits devant !!, Jean-Claude Amara. Des figures du combat altermondialiste : Agnès Bertrand, de l’Observatoire de la mondialisation, Laurence Kalafatidès, Raoul Marc Jennar, Susan George. Des économistes, engagés ou non dans Attac : Dominique Plihon, Michel Husson, Jacques Cossart, Daniel Guenancia. Des féministes historiques comme Christine Delphy. Des cyberésistants ou activistes du web : Étienne Chouard, Minga, Laurent Bouvier, Vincent Lucas, Daniel Boulier, Michel Berthelot. L’écolo-navigateur Jo Le Guen. Des chercheurs qui n’ont rien d’obscurantistes : Jacques Testart, Pierre Boisgontier, Jean-Pierre Berlan… Des dirigeants de scop comme Didier Rullier, Pascal Peny ou Jérémie Lefranc. Sans oublier des chanteurs, des comédiens, des artistes : Jean Ferrat, Julos Beaucarne et Pierre Vassilliu, mais aussi Magyd Cherfi, Mous et Akim Amokrane, Princesse Érika, Gustave Parking, Jean-Pierre Darroussin, Anémone…

Dans cette liste qui compte le dessinateur Siné et les éditeurs Patrick Silberstein et Marion Mazauric, se trouvent à titre personnel deux des actionnaires de Politis , Valentin Lacambre et Jean-Louis Gueydon de Dives, président de la Fondation pour une terre humaine, ainsi que Bernard Langlois.

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