Judith et son désir

Gilles Costaz  • 1 février 2007 abonné·es

La formule « théâtre de la Catastrophe » a été inventée par l’Anglais Howard Barker. Elle pourrait également s’appliquer aux oeuvres de ses compatriotes Edward Bond et Sarah Kane. Mais laissons-la à Barker, qui est, d’une coudée au moins, le plus intéressant des trois. Le dramaturge, moins apprécié en France qu’en Angleterre, a une vision tragique de l’histoire et de la société moderne, qui ne se réduit pas aux seules pulsions meurtrières. Jean-Paul Wenzel avait déjà mis en scène quatre de ses pièces. Il en monte aujourd’hui une cinquième, Judith ou le corps séparé .

Judith, nous l’avons tous vue un jour ou l’autre sur la reproduction d’un tableau du Caravage, décapiter tranquillement un guerrier barbu et aviné. Selon la Bible, cette jeune juive de Bethulie aurait enivré le général Holopherne,

qui menaçait sa ville. Elle aurait pénétré dans sa tente pour le trucider et, ainsi, sauver son peuple. Pour Barker, les faits se sont déroulés autrement. Dans sa pièce, Judith fait savoir au général qu’elle va se donner à lui. Elle se rend à son chevet, couche avec lui puis l’égorge sous l’insistance de la domestique qui l’accompagne. Mais, même après sa mort, Judith a continué à désirer le général. L’histoire est faite de ces attractions contraires.

Judith ou le corps séparé ne compte pas parmi les meilleures pièces de Barker. Elle témoigne d’un humour éclatant et d’une vraie audace, mais elle comporte moins d’arrière-plans et d’inattendu que certaines de ses autres tragédies. Lou Wenzel y déploie un beau tempérament d’actrice, Mohamed Rouabhi est un Holopherne compact et mystérieux, Camille Granville joue la servante avec un heureux prosaïsme. Jean-Paul Wenzel a tiré du personnage de Judith tout son érotisme trouble et son paganisme biblique.

Culture
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