Blanqui dans le texte

Rémy Artignan  • 5 avril 2007 abonné·es

Figure historique du socialisme révolutionnaire, du communisme naissant et même de l’anarchisme, Auguste Blanqui fait partie des penseurs importants du XIXe siècle, pourtant souvent oubliés des biographes et historiens contemporains. « L’enfermé », comme on a l’habitude de l’appeler en raison d’une demi-vie passée en prison, fut un personnage-clé du milieu de son siècle. L’historienne Dominique Le Nuz a regroupé et commenté une trentaine de ses textes sous un titre significatif : Maintenant, il faut des armes . Malgré une préface assez obscure signée de « quelques agents du parti imaginaire » , le livre déroule la pensée d’un homme qui ne vécut, de 1830 à 1871, que par et pour la contestation sociale.

S’il est indéniable que certains ont vieilli, plusieurs de ces écrits surprennent néanmoins par leur modernité. Brillamment réintroduits par de courtes notes, ils témoignent d’une conscience remarquable des rapports de force ­ et de classes ­ qui s’installent progressivement dans la société du XIXe siècle, qui n’en finit pas de digérer la Révolution de 1789. À travers la radicalité de Blanqui, s’expriment des conflits de fond, non seulement entre revendications ouvrières et réaction bourgeoise, mais aussi entre socialismes révolutionnaire et réformisme. Des périodes difficiles de la construction républicaine, comme la fin de la monarchie de Juillet, en 1848, se trouvent ainsi éclairées sous un jour original qui, tout en étant forcément partial, fait sens. Blanqui réunit au fil de ses écrits révolution, république et socialisme. Mais c’est évidemment au premier de ces termes qu’il consacre l’essentiel de sa réflexion : l’important pour lui est bien de détruire la société existante. Une nation nouvelle sortira elle-même des décombres, même si l’on ne saurait prévoir les voies qu’elle empruntera…

Un volume qui, en somme, plonge le lecteur au coeur d’un siècle où la politique se faisait autant dans les rues qu’à la tribune. Revigorant !

Idées
Temps de lecture : 2 minutes

Pour aller plus loin…

Désoccidentalisez… il en restera bien quelque chose !
Essais 5 décembre 2025 abonné·es

Désoccidentalisez… il en restera bien quelque chose !

À travers deux ouvrages distincts, parus avec trente ans d’écart, le politiste Thomas Brisson et l’intellectuel haïtien Rolph-Michel Trouillot interrogent l’hégémonie culturelle des savoirs occidentaux et leur ambivalence lorsqu’ils sont teintés de progressisme.
Par Olivier Doubre
Appel des intellectuels de 1995 : « Bourdieu a amendé notre texte, en lui donnant une grande notoriété »
Entretien 4 décembre 2025 abonné·es

Appel des intellectuels de 1995 : « Bourdieu a amendé notre texte, en lui donnant une grande notoriété »

L’historienne Michèle Riot-Sarcey a coécrit avec quatre autres chercheur·es la première version de l’Appel des intellectuels en soutien aux grévistes, alors que le mouvement social de fin 1995 battait son plein. L’historienne revient sur la genèse de ce texte, qui marqua un tournant dans le mouvement social en cours.
Par Olivier Doubre
L’Appel des intellectuels en soutien aux grévistes de 1995, tel que rédigé initialement
Histoire 4 décembre 2025

L’Appel des intellectuels en soutien aux grévistes de 1995, tel que rédigé initialement

Ce texte fut ensuite amendé par certains militants et grandes signatures, en premier lieu celle de Pierre Bourdieu. Mais les cinq rédacteurs de sa première version – qu’a retrouvée Michèle Riot-Sarcey et que nous publions grâce à ses bons soins – se voulaient d’abord une réponse aux soutiens au plan gouvernemental.
Par Olivier Doubre
Romane Bohringer : « Les mères défaillantes ont besoin de soins, pas d’être jugées »
Entretien 3 décembre 2025 abonné·es

Romane Bohringer : « Les mères défaillantes ont besoin de soins, pas d’être jugées »

Dans Dites-lui que je l’aime, adaptation très libre du livre éponyme de Clémentine Autain, aussi présente dans le film, la réalisatrice rend hommage à des femmes, leurs mères, dans l’incapacité d’exprimer leur amour à leur enfant. Elle explique ici comment elle a construit son film à partir du texte de l’autrice, en qui elle a reconnu un lien de gémellité.
Par Christophe Kantcheff