Gauche contre droite

Michel Soudais  • 3 mai 2007 abonné·es

Le bilan est maigre. Quasi nul même. Malgré ses efforts, Ségolène Royal n’est pas parvenue à décrocher le soutien d’un seul parlementaire UDF. Certes, le 27 avril à Lyon, une dizaine d’élus locaux ­ maires, conseillers municipaux, responsables de communauté d’agglomération ­ et une toute petite poignée de militants du parti de François Bayrou assistaient au meeting de la candidate socialiste. Mais ce zeste d’orange ne peut masquer que, lundi, vingt des vingt-neuf députés UDF avaient annoncé, comme leur président du groupe, Hervé Morin, leur retour au bercail de la droite. Samedi matin, à l’hôtel Westin, où il était venu « dialoguer » avec la candidate de la gauche, François Bayrou n’était accompagné que d’élus dont la réélection n’est pas d’actualité : Michel Mercier et Jacqueline Gourault sont sénateurs, Marielle de Sarnez et Jean-Marie Cavada, députés européens.

Sous la Ve République, le centre n’existe pas à l’heure du choix. La condition de son existence passe impérativement par une réforme institutionnelle. François Bayrou la souhaite, Ségolène Royal la propose. Etsi leurs VIes Républiques diffèrent, il était prévisible que le président de l’UDF et la candidate du PS trouvent sur les institutions un terrain d’entente. Tous deux veulent un « État impartial » et une « rénovation de la vie politique » pour « sortir de l’affrontement bloc contre bloc » . Le débat de ce samedi était de ce point de vue comme une anticipation de ce que Mme Royal pourrait impulser si elle l’emporte dimanche.

Cette rencontre sous les feux de la rampe alégitimement suscité, au sein de la gauche et du PS, des doutes sur son intérêt et des inquiétudes quant à ses conséquences. Les positions des deux débatteurs étant connues, que pouvait-on en apprendre ? Ce dialogue n’amorçait-il pas un changement d’alliance du PS, tournant le dos à la stratégie d’Épinay d’union de la gauche ? C’était oublier que les électeurs n’ont ni l’information des observateurs de la vie politique, ni celle des militants. Au final, ce débat serein leur aura permis de se forger une opinion assez précise des points d’accord et de désaccord entre le « troisième homme » et la candidate. Sans surprise, c’est sur les dossiers économiques ­ retraites, 35 heures, BCE… ­ qu’ils ont le plus divergé, affichant des positions assez voisines sur l’Europe ­ tous deux sont pour un nouveau référendum ­, la sécurité ­ nécessité d’une police de proximité ­ ou le soutien aux parents…

En refusant d’entrer dans un marchandage sur son pacte présidentiel, en faisant montre d’une pugnacité à le défendre, la candidate a rassuré ses électeurs. En indiquant que, « sur un certain nombre de questions » , elle et Bayrou feront « un bout de chemin ensemble » et continueront à « discuter sur d’autres » , elle a donné d’elle-même aux électeurs du candidat centriste, qui pour nombre d’entre eux y sont sensibles, l’image d’une responsable politique attachée à développer une démocratie apaisée. Sur ce terrain, le contraste avec Nicolas Sarkozy, qui aura tout tenté pour empêcher cette rencontre, était saisissant. Et sans doute de nature à convaincre un grand nombre d’électeurs centristes, qui ne sont pas dans la même dépendance vis-à-vis de l’UMP que les grands élus UDF, de voter à gauche plutôt qu’à droite.

D’autant que si le centre n’existe pas encore, la droite, elle, s’affiche décomplexée. Et l’on ne peut que s’étonner de voir le socialiste Michel Charasse recevoir, en sa mairie de Puy-Guillaume, Nicolas Sarkozy, de passage en Auvergne, pour lui décerner un brevet de républicanisme très contestable.

Car dimanche, à Bercy, Nicolas Sarkozy a conclu son show par cette formule, devenue familière chez lui : « Vive la République ! Et, par-dessus tout, vive la France ! » Cette proclamation, trop peu soulignée, de la supériorité de la France sur la République est tout sauf anodine s’agissant d’un candidat à la présidence de la… République. Elle met en évidence combien ce candidat aspire moins à être le garant de la République et de la démocratie qu’à incarner « l’homme de la Nation » , pour reprendre son expression. Peu lui importe le régime, pourvu qu’il soit chef de l’État. Qui nous dit qu’au gré des circonstances, ou pour satisfaire à « l’obsession de l’obtention des résultats » dont il veut faire sa ligne de gouvernement, Nicolas Sarkozy ne privilégiera pas sa vision d’une France éternelle au détriment de la République ? Il y a tout lieu de s’en inquiéter avant qu’il ne soit trop tard.

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