Courrier des lecteurs Politis 965

Politis  • 30 août 2007 abonné·es

Mai 68, l’école et le secondaire

Très modeste acteur des « événements » (j’étais instituteur dans les confins de la Bourgogne et de la Franche-Comté), j’ai lu avec grand intérêt votre dossier sur Mai 68. Votre vision, qui se veut à la fois historique et systémique, s’intéresse donc principalement aux grands et hauts faits (parisiens) et aux idées nouvelles nées ou enrichies par cette « révolution ».

Peut-être serait-il bon de compléter ce dossier par des témoignages de quelques-uns de ces petits acteurs, nous qui avons vécu ces journées dans des conditions parfois difficiles (ainsi avons-nous dû consacrer une grande partie de notre temps à aller conforter les jeunes instits dans leur école à classe unique, seuls à être en grève face à une population hostile). Vous vous intéressez beaucoup à l’Université, qui fut, il est vrai, le creuset de grandes remises en question, de nombreux mandarins se déclarant soudain au même niveau que leurs étudiants. Mais qu’en est-il resté ?

Qu’en fut-il à l’école et dans l’enseignement secondaire ?

Pour intéressante qu’elle soit ­ comme toujours ­, la contribution de Philippe Meirieu ne suffit cependant pas à rendre compte de ce qu’a été Mai 68 pour de nombreux enseignants qui, pratiquant des pédagogies différentes jusqu’ici « mal vues », notamment par l’administration, se sont autorisés à revendiquer la légitimité et surtout l’efficacité de telles pédagogies. Dommage que sa discrétion ait interdit à Meirieu d’évoquer tout le travail accompli en tant que prof de lettres dans un lycée professionnel ou dans le cadre des Cahiers pédagogiques , par exemple.

Je crois que l’on peut mettre au crédit de Mai 68 de nombreuses innovations acceptées, voire promues par le gouvernement Chaban-Delmas (vous vous souvenez sans doute de « la nouvelle société ») : des instructions officielles se sont mises à recommander ­ sans, bien sûr, toujours en reconnaître l’origine ­ des pratiques issues des méthodes actives telles l’expression libre, la correspondance et le journal scolaire. Mais également des avancées considérables dans l’enseignement technologique, sous l’impulsion de l’équipe de Bertrand Schwartz et le Cuces de Nancy. Là, il y avait bel et bien révolution, parce que remise en cause radicale de la relation enseigné/enseignant/savoirs, par la mise en place d’un véritable contrôle continu et de la délivrance de diplôme par « unités capitalisables », qui était bien autre chose que la réduction à 5 des échelons d’une notation restant purement normative : la définition des enseignements en termes d’objectifs et l’évaluation de leur atteinte selon des critères énoncés à l’avance et connus de l’élève.

Un espoir était revenu d’une véritable évolution, avec Alain Savary, vite remise sous le boisseau pour son successeur (dont il vaut mieux ne pas rappeler le nom !)

Au fil des ans, la gageure tentée par Bertrand Schwartz n’a pu être tenue : le « système » a été le plus fort, et les pesanteurs, les corps d’inspection ont eu raison de cette démarche par trop novatrice. On est insensiblement revenu à cette « bonne vieille moyenne » au centième près, obtenue en additionnant des choux, des carottes et des navets (travaux de nature différente effectués dans des conditions différentes, notés subjectivement…).

Philippe Meirieu a cependant raison d’affirmer que « la réponse autoritariste est le pire des maux » , lui qui aime à citer souvent Célestin Freinet, qui affirmait dès 1920 : « On ne peut faire boire un âne qui n’a pas soif. » Rien ne peut avoir lieu en éducation sans la participation active de l’enfant : c’est lui qui apprend.

Xavier Nicquevert, Rognes (Bouches-du-Rhône)

Cannibales

Une des dernières modes bobos, c’est de faire son pain avec une machine à pain électrique.

Ça pétrit, lève et cuit tout seul, sans un seul artisan… Ça utilise bien sûr des farines bio-équitables. Ça utilise aussi un paquet d’électricité, dont ma propre facture me dit : 85 % de nucléaire. Or, que faire des déchets du même nucléaire, et d’où vient l’uranium qui sert à le produire ?

Entre autres, du Niger, où les « salariés » se sont regroupés pour défendre leur droit à la santé, pour cause d’irradiations, de méfaits des traitements à l’acide chlorhydrique, et j’en passe.

Les cancers dus à l’amiante, aujourd’hui, on connaît. Mais ceux dus à l’exploitation de « notre » uranium, ils tuent aussi…

En gros, tu manges une tranche de pain-machine, c’est quelques Nigériens qui en meurent, « salariés et la famille élargie ».

Question pour un champion~: c’est qui, les cannibales~?

Amitiés à tous les objecteurs~: de croissance, de conscience, de politiquement correct…

Pascal Sauvage, Le Poiré-sur-Vie (Vendée)

Mai 68…

Avant tout, merci pour la qualité de votre hebdo. Je m’en étais distancié, mais depuis l’entreprise de « rénovation » de celui-ci, me voilà de nouveau un lecteur assidu. Je viens de terminer le numéro sur Mai 68, qui à bien des égards m’a éclairé. Je suis étudiant et j’aimerais approfondir l’analyse de Mai au-delà de votre dossier. Malheureusement, celui-ci ne comporte pas de conseils de lecture. En auriez-vous ?

Isaac Ferretti (courrier électronique)

Nous publierons la semaine prochaine ( Politis n° 966) les références d’un certain nombre d’ouvrages consacrés à Mai 68.

De Grenelle enGrenelle

Vivement fin août parce que CQFD était aussi en vacances. Bande de feignasses ! Mais je me suis consolé avec le dossier Mai 68. J’avais alors 12 ans, des parents petits cadres hargneux du PCF, qui gueulaient contre ces putains de gauchistes étudiants-petits-bourgeois. Pour moi, c’était chouette, surtout quand les profs ont suivi les directives du PC pour la grève générale. Le directeur du centre d’apprentissage de mon bled accueillait tous les mômes de la commune (PCF aussi), encadrés par les Jeunesses communistes. Ce n’étaient pas des rigolos. Et, après, ils nous ont pondu Grenelle. Une trahison de plus. Tu m’étonnes que le petit teigneux veuille aussi son Grenelle de l’environnement. Ça ne mange pas de pain. L’intérêt de la présidentielle2007, c’est que les tapineuses se sont révélées, mais dixit les mêmes, elles restent de gauche. Merci de nous prévenir. J’ai aussi écouté sur RMC « les Grandes Gueules » étaler leur suffisance, leur égoïsme, leur médiocrité très classe moyenne. C’est cette idéologie qui a vraiment vaincu. De belles empoignades en perspective! […] Bref, affûtez vos cerveaux et vos stylos pour nous aiguiser les neurones. J’espère que Langlois me fera autant rire, même jaune !

David Lantheaume (courrier électronique)

L’espace politique de Politis (suite)

Contrairement à ce qu’exprime Georges Pons (dans le courrier des lecteurs du n° 962-964 de Politis ), je crois qu’il est indispensable que l’éditorialiste et directeur de la rédaction annonce clairement ses choix, car, sinon, que vaudraient ses commentaires sur l’actualité, que nous pourrions soupçonner de cacher de sournois sous-entendus~? C’est une question d’honnêteté vis-à-vis de nous, lecteurs, qui pouvons alors pondérer et relativiser l’information transmise si nous le souhaitons. Que signifieraient des éditoriaux qui ménageraient «~la chèvre et le chou~» pour ne pas mécontenter l’une ou l’autre des composantes de la gauche «~radicale~»~? Politis s’adresse à des adultes, j’espère.

La diversité dans Politis doit se traduire par des textes ou des interviews de sensibilités différentes, et c’est bien ce qui se passe en fait. Que Politis continue ainsi. J’en attends toujours la livraison hebdomadaire avec intérêt.

Pierre Péguin, Cevennes

Serrault et Bergman

Même sur le service public les morts ne sont pas égaux, selon qu’ils oeuvrent davantage dans le divertissement ou qu’ils se mettent au service de l’art. En ce début du mois d’août faucheur de talents du cinématographe, le même soir, France 3 programmait la comédie de Pierre Tchernia le Viager , avec Michel Serrault, à 20 h 50, tandis que France 2 proposait le drame de Bergman Sonate d’automne à 0 h 35. À qui sert donc la redevance ? Aux annonceurs publicitaires ?

Bernard Hennebert, Bruxelles

Des ours et des loups

Merci à Claude-Marie Vadrot pour son plaidoyer amusant, dans Politis n° 961, en faveur du loup, qui nous change agréablement de la chasse aux sorcières politico-médiatique à l’encontre des ours et des loups qui sévit comme chaque été en France. Pendant ce temps, les autres problèmes du pastoralisme, infiniment plus graves, sont occultés, y compris la crise socio-économique de l’élevage du mouton, due pour une part à la mondialisation néolibérale soutenue ­ et c’est un comble ­ par la plupart des journalistes et des élus antiprédateurs. En Savoie, fin juillet, l’émotion était à son comble, à la suite du dérochement d’un troupeau effrayé… Totalement unilatéraux, la presse locale et les élus dénoncent le loup et prétendent que la politique de prévention des dégâts du loup n’est jamais efficace. En réalité, elle donne le plus souvent d’excellents résultats, si j’en crois la diminution du nombre de moutons tués par les loups en France, alors que ces prédateurs continuent à se multiplier. Mais il y a des exceptions concernant des alpages trop boisés ou trop escarpés pour être protégés avec efficacité, comme le confirme l’exemple du troupeau savoyard évoqué plus haut, y compris lorsque les prédateurs sont des chiens errants, bien plus nombreux. Auquel cas, les médias et les élus se montrent bien plus discrets…

Il est donc évident que la détresse bien réelle de certains éleveurs est instrumentalisée de façon malhonnête par les médias et les élus, ce qui rend encore plus difficiles la cohabitation pourtant possible entre les éleveurs et les grands prédateurs (même en concédant que le tir de certains loups trop gourmands est parfois nécessaire), et la prise en compte des problèmes liés à la mondialisation et à la PAC : Tartuffe se porte bien !

Jean-Claude Courbis, Chambéry (Savoie)

Science sans conscience…

Dans la semaine du 23 au 28 juillet 2007, trois événements ont particulièrement suscité l’intérêt des médias. Ils n’ont, semble-t-il, aucun point commun, si ce n’est la mise en lumière d’une utilisation néfaste des progrès de la science, au profit de la réussite financière prônée par le système Sarkozy. La mise sur le marché de produits dopants de plus en plus efficaces a empoisonné l’atmosphère du Tour de France, au point de décourager les sportifs les plus sérieux. Dans un autre domaine, celui de la rentabilité des cultures industrielles, les opposants aux essais de plantations de maïs OGM en Ardèche ont trouvé une parade apparemment moins destructrice que l’arrachage de plants : la pollinisation des parcelles par les fleurs de maïs non génétiquement modifiées. Astucieux et pédagogique ! Enfin, grâce à la vigilance du Réseau Sortir du nucléaire (RSN), la monnaie d’échange utilisée avec le général Kadhafi par M. Sarkozy pour briller sur la scène internationale a été dévoilée : l’assistance technique de la société nationale Areva pour la fourniture d’un réacteur nucléaire, afin de… « dessaler l’eau de mer » . Au mépris de l’augmentation du risque de prolifération de la bombe atomique, déjà bien présent dans le bassin méditerranéen, contrairement aux accords du traité international (TNP) signé par la France.

Une plus grande vigilance à propos de l’utilisation des progrès technologiques développés par les industriels avides de profit serait la bienvenue, à l’échelle du monde. Mais que peut-on attendre dans ce domaine de l’OMC, qui a pour objectif de libéraliser les services ? Ou bien de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), dont la mission est la promotion de l’industrie électronucléaire ?

Jean-Pierre Morichaud, Venterol (Drôme)

Sarko et les sportifs

Malgré les efforts quasiment pathétiques de la sarkosphère pour construire une image de sportif de bon niveau à son héros, il semblerait que se confirme l’existence d’un problème entre Sarkozy et les gros bonnets du sport français. Reste à déterminer dans quel sens fonctionne ce problème. Toujours est-il que Sarko, aidé parfois par des ministres, s’est, depuis son élection, impliqué trois fois dans le sport français de haut niveau. En juillet, il était venu parader sur une étape de montagne du Tour de France. Interviewé par Nicolas Jalabert, il avait donné le nom de son favori pour l’épreuve~: le Français Christophe Moreau. Problème~: le lendemain, ce dernier avait essuyé une grosse défaillance et disparu dans les profondeurs du classement. Peu de temps auparavant, Sarkozy avait pris la défense de Guy Roux, que des règlements anciens empêchaient de reprendre son métier d’entraîneur~: 68 ans, trop vieux. Sarkozy avait même mis deux ministres sur le coup, et, comme par miracle, la situation s’était débloquée.

Pour Sarkozy, Guy Roux était même devenu emblématique~: la preuve vivante que faire partir systématiquement les travailleurs à la retraite passé un certain âge était une véritable aberration, tant économique que sociale. Pas mal, quand on sait qu’on va devoir plancher bientôt sur le problème des retraites~! Problème~: deux mois après sa (re)prise de fonction, le 25 août, Guy Roux jette l’éponge~: il se sent trop vieux, il n’a plus la « grinta »~! Alors là, on se pose la question~: Sarkozy est-il un véritable porte-poisse pour les sportifs français~? Ou bien les sportifs français cherchent-ils à jeter des bâtons dans les roues du « cycliste » Sarko~? En tout cas, les supporters du rugby français devraient commencer à se faire du mouron en ce qui concerne d’éventuels bons résultats à la Coupe du monde de rugby~: comme il ne se passe pratiquement pas un jour sans que Sarko ou un de ses ministres n’aillent se montrer auprès des membres de l’équipe de France, il n’est pas du tout certain que l’équipe du futur secrétaire d’État Bernard Laporte arrive à passer le premier tour de la compétition~!

Jean-Jacques Corrio, Les Pennes-Mirabeau (Bouches-du Rhône)

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