Du plomb dans l’ourse

Patrick Piro  • 30 août 2007 abonné·es

Franska est morte le 9 août, officiellement d’un banal accident de la route, percutée par deux véhicules sur une route près de Lourdes. Le dénouement théâtral d’un feuilleton à rebondissements qui a vu les esprits sérieusement s’échauffer cet été dans les Hautes-Pyrénées.

L’ourse slovène y avait été transplantée en avril 2006 dans le cadre d’un programme de sauvetage du plantigrade, menacé d’extinction à court terme en France. Mais, depuis des mois, elle focalisait l’animosité des anti-ours, qui avaient même mené des battues avec des fusils, alors que l’espèce est strictement protégée. Car Franska aurait été responsable, depuis sa sortie d’hibernation, de l’égorgement de plus d’une centaine de brebis. Aussi les éleveurs locaux, soutenus par la FNSEA, le principal syndicat agricole français, et quelques élus locaux exigeaient avec véhémence le « retrait » de l’animal, décrété « à problèmes » .

Pourtant, les experts chargés du suivi des ours contestent cette évaluation subjective, ce qui a conduit la secrétaire d’État à l’Écologie, Nathalie Kosciusko-Morizet, à opter cet été pour un prudent statu quo ­ « ni capture, ni retrait » ­ devant les éleveurs, les élus et les associations. Elle attendait pour fin août un rapport sur le comportement de Franska. La mort de celle-ci sur une route dans la vallée prouve bien qu’elle était «anormale», lancent quelques anti-ours…

Jusqu’à ce que l’autopsie révèle ­ coup de théâtre ­ que l’arrière-train de l’ourse était truffé de dizaines de plombs de chasse ! Tirés environ un mois avant l’accident, précise les experts. Ils avaient pour but de tuer l’animal, s’indigne l’association de protection de l’ours, du loup et du lynx Ferus, qui fait l’hypothèse que sa traque a pu entraîner ses divagations. L’association, avec Pays de l’ours-Adet et le WWF, appelle de nouveau le gouvernement « à rétablir l’état de droit dans les Pyrénées » et porte plainte pour tentative de destruction d’espèce protégée.

Quatre autres femelles slovènes avaient été lâchées avec Franska en 2006. Il n’en reste que trois, Palouma ayant fait une chute mortelle l’an dernier. Un plan de réintroduction qui doit justement être évalué à l’automne, alors que l’on estime à une petite vingtaine d’individus seulement la population d’ours pyrénéens. Les associations réclament a minima le remplacement des deux femelles. Les habitants des régions concernées, à très large majorité, sont favorables à la présence du plantigrade dans les Pyrénées.

Écologie
Temps de lecture : 2 minutes