Au milieu du chaos

Le festival Visa pour l’image se poursuit. De l’Afghanistan, avec Tyler Hicks, Ahmad Masood et Véronique de Viguerie, à la Palestine, avec Raed Bawayah, portrait d’une vacherie universelle.

Jean-Claude Renard  • 13 septembre 2007 abonné·es

Dans le florilège effrayant effrayé des reportages photographiques présentés au XIXe festival Visa pour l’image à Perpignan, l’Afghanistan se raconte en trois volets, sous trois objectifs. Sans redites, redondances. Ni retouches. Pour Tyler Hicks (New York Times) , quelles que soient les causes, tenants, aboutissants pataquès, la guerre reste une sale guerre, avec ses barbaries à la frange, les à-côtés trempés d’horreurs. Un reportage au plus près du terrain, des talibans, de l’Alliance du Nord et des bataillons internationaux. Plans longs, larges et gros qui font du réel armé une réalité hallucinée, apocalyptique.

Chez Ahmad Masood (Reuters), ce terrain miné se pare d’un quotidien, où la petite histoire fait l’histoire. Il est chez lui. Il est afghan. Et saisit le pays dans son horizontalité. À plat. Ici, des militaires qui se recueillent lors de la cérémonie du Memorial Day ; là, un amoncellement de casques dans la vallée du Panchir. Ça côtoie l’anecdote, fraye avec l’anodin~: des femmes qui célèbrent le Nouvel An à Kaboul~; un jeune lutteur à l’entraînement~; un gamin qui plonge dans le rafraîchissement d’une rivière~; un centre commercial flambant neuf~; un culturiste en sueur~; l’inauguration d’une usine de sodas par Hamid Karzaï~; des gosses sur une balançoire.

En guise de décor, des paysages féeriques aux confins de la mort, crachant l’aube incertaine, des lumières vives traversées de silhouettes sans visage. Sans doute parce que le drame afghan est sans visage. Il touche tout le monde. Les femmes n’y échappent surtout pas, souligne Véronique de Viguerie (WPN), dans son reportage sur le Sud afghan. Le retour des talibans sonne le retour de la burqa, école de filles incendiée, enseignants assassinés. La photographe livre la banalité de la guerre, rend compte des femmes flics voilées qui tentent de s’opposer à la répression. Avant de conclure par une «~figure d’espoir au milieu du chaos~»~: le visage jovial d’une enfant éclaboussant le cadre de la photo sur fond d’immeuble en éboulis.

Autre cadre, la Palestine, celle de Raed Bawayah, en trois chapitres. Sa ville natale de Qutanna, d’abord, immuable depuis trente ans, engluée dans l’impasse immobile~; les manoeuvres palestiniens ensuite, qui marnent en Israël, sans autorisation, contournant les points de contrôle militaire pour un salaire dérisoire, des conditions de travail pour gueux. Des haricots la vie. Et un sens du non-retour auquel répond l’hôpital psychiatrique de Bethléem, en Cisjordanie. Des malades mentaux marginalisés dans la société palestinienne. À la marge de la marge donc. Des portraits froids saisis dans les murs froids. Trognes ahuries, tues, aux traits martyrisés, l’esprit défectueux. Dans un drame trépané, ils constituent un secteur stigmatisé et dénué de légitimité. Nulle défaillance matérielle dans cet univers clos, mais la perception évidente d’une solitude et d’une misère psychologique qui reflètent l’enfermement moral d’un peuple prisonnier de sa propre terre.

Culture
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