Des contrats de moins en moins aidés

Les réseaux d’insertion par l’activité économique s’inquiètent des coupes budgétaires qui affectent les contrats aidés et bloquent le nombre de places en entreprises d’insertion.

Philippe Chibani-Jacquot  • 11 octobre 2007 abonné·es

«Un milliard d’euros manque dans le budget 2007 pour la lutte contre le chômage et l’exclusion. » Ce constat, dressé par une dizaine de réseaux de l’insertion par l’activité économique (IAE) et de l’action sociale [^2]
, fait craindre un nouveau revirement du gouvernement sur la politique d’insertion. Sous prétexte d’une tendance à la baisse du chômage, le ministère de l’Économie et de l’Emploi prévoit une « décélération » des aides de l’État aux contrats aidés (contrat d’avenir, contrat d’accompagnement dans l’emploi, etc.).

Le nombre de ces contrats est réduit de 25 % dès cette année, celui des postes en entreprise d’insertion est plafonné. Ce sont les salariés en ateliers et chantiers d’insertion (rémunérés grâce à ces contrats aidés) qui souffriront le plus de ces restrictions, ainsi que les associations intermédiaires. On compte 230 000 personnes travaillant dans une structure d’insertion par l’activité économique (SIAE).

« Aujourd’hui, ce qui fait culture commune, c’est : si je ne travaille pas, c’est par manque d’effort puisque d’autres y arrivent, regrette Nicole Maestracci, présidente de la Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale (Fnars). Avec les contrats aidés, les pouvoirs publics ont toujours raisonné en statistiques de retour à l’emploi. Cela nous pousse à sélectionner les gens à l’entrée de nos structures et à mettre de côté les personnes les plus éloignées du marché de l’emploi, les plus défavorisées, c’est-à-dire les plus concernées. »

Activiste de l’assistanat ou marchepied vers l’emploi d’une main-d’oeuvre peu qualifiée, l’insertion par l’activité économique tangue entre deux identités face aux pouvoirs publics. Un récent rapport du Conseil national de l’insertion par l’activité économique, interface institutionnelle entre l’État et les opérateurs, constate que « le dirigeant d’une SIAE doit s’improviser diplomate spécialisé dans l’ingénierie de l’action publique tout en restant chef d’entreprise et en garantissant l’exécution du projet social de sa SIAE » .

Cette première fonction diplomatique est de trop. Elle s’explique par l’enchevêtrement des compétences territoriales (l’emploi pour l’État, la formation professionnelle pour les régions, l’action sociale pour les départements) et la démultiplication de dispositifs publics. « Il faut sortir de la logique de contrat cyclique [contrats aidés dont les dispositifs changent tous les deux ans, NDLR] et passer à l’aide au poste, financée par l’État et les collectivités locales pour des publics trop éloignés de l’emploi » , estime Philippe Louveau, délégué national de l’association nationale des Chantiers-école, rejoignant en cela nombre d’organisations, comme la Fnars.

Mais les différents réseaux de l’IAE divergent dans leurs analyses. Pour Laurent Laik, président du Comité national des entreprises d’insertion (CNEI), ce serait une erreur de généraliser l’aide au poste dont bénéficient les entreprises d’insertion (EI) car « cela ferait exploser le budget de l’État pour l’IAE » . Avec des logiques différentes, les opérateurs de l’IAE cherchent une reconnaissance large de leur implication dans le développement socio-économique des individus et des territoires, afin d’assurer les moyens de leur financement. Les chantiers et associations intermédiaires cherchent à sécuriser les financements publics. Les EI, qui militent aussi pour une augmentation du nombre de leurs aides aux postes, cherchent à démultiplier les partenariats financiers avec le secteur traditionnel. Le CNEI est en relation avec des financeurs solidaires, mais aussi avec les branches professionnelles, les réseaux comme Entreprendre, jusqu’au Medef, qui voit dans les EI un modèle d’entreprise apte à apporter une main-d’oeuvre à des secteurs qui en manquent, comme le bâtiment ou la gestion des déchets.

« Il faut sûrement faire exploser les frontières sur un certain nombre de choses, concède Philippe Louveau, des Chantiers-école *, mais, quand nous créons nos structures, nous participons au développement local et à l’économie solidaire, car nous aidons des personnes à avoir une logique de choix. »*

[^2]: « Un recul inquiétant pour la solidarité et l’emploi », déclaration commune du 20 septembre signée par la Fnars, SNC, Emmaüs-France, Coorace, CNEI, CNLRQ, Chantiers-école, Réseau Cocagne, CFDT (consultable sur .

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