Le cheval, énergie moderne

Pierre Rabhi  • 29 novembre 2007 abonné·es

Retour de Roumanie… Comment ne pas être préoccupé par le sort réservé à la petite paysannerie d’Europe de l’Est ? Entre tradition et modernité, elle représente encore, selon les pays, de 40 à 50 % des travailleurs de la terre.

Tout esprit libéré des schémas productivistes et agro-industriels pourrait s’écrier : « Quelle chance ! » Surtout à l’heure où la problématique alimentaire mondiale est des plus funestes, entre détérioration accélérée des sols soumis à des pratiques agricoles ignorantes des lois les plus élémentaires de la vie, perte de dix mille ans de patrimoine des espèces et des variétés alimentaires, pollution et gaspillage des eaux, exode des paysans, imposture OGM, dérèglement climatique et ­ cerise sur le gâteau ­ essor des « nécro-carburants » destinés à remplir les réservoirs des voitures pour mieux vider l’estomac des humains, alors que de nombreuses nations ne sont pas autosuffisantes.

Nous ne cherchons pas à divertir avec des frissons de tragédien, mais à en appeler à la raison et à l’intelligence. Le temps de la lucidité est venu si nous voulons éviter un tsunami alimentaire sans précédent.

Une Europe attentive et éclairée pourrait constater objectivement que les petits paysans savent gérer des structures agricoles à taille humaine, une compétence qui devient rare. L’énergie métabolique humaine et animale y est encore prépondérante, et performante comparée au mode industriel très dispendieux qui, pour fournir 1 calorie alimentaire, brûle 10 à 12 calories d’énergie, et absorbe près de 3 tonnes de pétrole par tonne d’engrais produit. On pourrait constater qu’au moment où le prix de l’énergie combustible non-renouvelable flambe, la traction animale, encore bien répandue en Europe de l’Est, représente, sans résoudre ou répondre à tous les besoins, une véritable sécurité pour l’avenir. Car, en tout dernier recours, l’énergie métabolique, absente des grands débats sur la question, apparaîtra comme une des alternatives fiables. Un cheval représente un potentiel d’énergie renouvelable, il fonctionne au « biocarburant » fabriqué à partir de matière première reproductible à l’infini. Qui dit mieux ?

Ces propos ne sont pas une invitation à régresser ni à abolir les moyens mécaniques, mais ils seront à l’avenir moins caricaturaux qu’ils n’y paraissent. Aider les petits paysans permettra de conserver la production d’aliments sur tous les territoires, stabilisera les populations, évitant les migrations catastrophiques, logique qu’imposera l’évolution sociale, économique et écologique du monde. La société du futur ne pourra s’organiser que sur les principes de l’autonomie des peuples et la participation de tous comme acteurs économiques.

Écologie
Temps de lecture : 2 minutes